L’écrivain Abdellah Taïa passe à la réalisation avec le portrait attachant d’un jeune homosexuel clandestin.
Avant de passer à la mise en scène, Abdellah Taïa a publié six romans, dont Le Jour du roi, récompensé en 2010 par le prix de Flore, ainsi qu’un recueil de lettres et de nombreuses tribunes dans les journaux à l’époque du printemps arabe.
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Il y témoigna de sa vie au Maroc, de son enfance meurtrie et de son engagement pour la libération de la parole homosexuelle dans un pays encore rétrograde sur la question des droits LGBT. Un parcours intime et politique dont son premier long métrage, L’Armée du salut, constitue a priori une suite logique, même s’il ne saurait être réduit au statut de film à thèse.
Reprenant le point de départ de son roman éponyme publié en 2006, l’écrivain y fait le portrait d’un jeune Marocain, Abdellah (impressionnant Saïd Mrini), contraint de dissimuler son homosexualité à sa famille et de fuir les regards inquisiteurs dans son quartier populaire. La première partie du film décrit ainsi patiemment cette adolescence refoulée, suivant le rythme d’une chronique pointilliste où Abdellah Taïa infiltre le quotidien de son personnage, entre petites baises clandestines et humiliations récurrentes.
Toute la force de L’Armée du salut est là, recueillie dans ces scènes élusives et comportementalistes, une série de gestes tour à tour sensuels et violents, saisis dans un dépouillement quasi bressonien. La suite du film, qui découvre le même personnage dix ans plus tard tout juste débarqué à Genève, cède à quelques facilités psychologiques jusqu’ici esquivées et paraît plus démonstrative. Du Maroc à l’Europe, on comprend alors qu’Abdellah est passé d’une aliénation à une autre, et qu’il restera partout un clandestin. L’Armée du salut est son témoignage, imparfait, fragile, mais vibrant.
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