Pour son deuxième long métrage, la créatrice de la mini-série « Conasse » réalise une comédie bien ficelée avec un trio d’actrices attachant et renouvelle, modestement mais de manière suffisamment juste pour que ce soit soulevé, l’image, pas toujours reluisante, de la femme dans la comédie populaire française.
Depuis quelques années, certaines comédies populaires (disons celles formatées pour faire exploser le box-office hexagonal) ont dessiné les contours pas très glorieux de ce que devrait être « la femme moderne ». Fini les femmes prudes et mères au foyer exemplaires, bonjour les ambitieuses, séductrices et autres guerrières des temps modernes. Un programme en soi plutôt réjouissant bien qu’assez caricatural. Mais le gros hic dans l’histoire c’est que nombre de réalisatrices et réalisateurs qui se sont frottés à l’exercice – celui de reconfigurer les codes du féminin – se sont brûlés les ailes, et la plupart de ces films élaborent une étrange équation où féminisme égale vulgarité.
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En 2017, après Sous les jupes des filles, qui dans son synopsis définissait « la » femme comme « un être paradoxal, totalement déboussolé, définitivement vivant« , Audrey Dana rempilait et signait un second « girly movie ». Présumé subversif, Si j’étais un homme imaginait la brusque transformation de Jeanne, architecte en bâtiment et mère séparée, qui se réveille un beau jour avec « un truc en plus ! », soit un sexe masculin. Munie de cet attribut, la femme fébrile et peu sûre d’elle se transformait en gaillarde virile à la libido exubérante, découvrant les plaisirs de l’ivresse (bouteille de Sky sifflée en une nuit), ceux de la masturbation et de la drague. Le pitch, celui du transformisme et de l’inversion des stéréotypes de genres, traité brillamment, entre autres, par les rois de la comédie américaine Blake Edwards (Victor Victoria, Dans la peau d’une blonde) ou Billy Wilder (Certains l’aiment chaud), aurait pu aboutir à un renversement des clichés sexistes. Hélas, le film plonge tête la première dans ce qu’il pense dénoncer.
Larguées : assumer les stéréotypes pour mieux les contourner
C’est dans ce paysage sinistré, que débarque Larguées. Sorti en salle mercredi, le deuxième long métrage d’Eloïse Lang, créatrice de la mini-série Connasse, apparaît comme un signal plutôt réconfortant au sein de la comédie française populaire. L’histoire est celle de Rose et Alice, deux sœurs que tout oppose. Rose (Camille Cottin) est musicienne, porte des santiags et des mini-shorts et fait la teuf au Rex Club jusqu’à midi. Alice (Camille Chamoux) est employée dans une boîte (on ne sait pas exactement dans quelle branche), elle est mère de famille, sage et organisée. Pour remonter le moral à leur mère (Miou-Miou) qui vient de se faire plaquer par leur père, parti avec une plus jeune qui attend déjà un enfant de lui, les frangines organisent un voyage à trois sur l’île de la Réunion.
Partant d’une situation assez archétypale et déjà vue (la confrontation d’une famille en lieu clos), Larguées libère rapidement ses personnages des carcans scénaristiques dans lesquels il les avait placés. Très vite, ils se révèlent beaucoup plus nuancés que ce qui nous était annoncé. C’est en assumant d’emblée les stéréotypes féminins (la rebelle, la mère parfaite et la mère larguée) qu’Eloïse Lang parvient à mieux les contourner.
Celle qui nous est présenté d’emblée comme l’insoumise de la famille et éternelle clubbeuse (Camille Cottin donc, parfaite en fille faussement déglingue) n’est dans le fond pas si excentrique et dure à cuire qu’attendu. C’est même elle, plus que sa sœur, qui essayera par tous les moyens (pas toujours bons, surtout lorsqu’elle rencarde le barman du Club Med avec qui elle vient de coucher et le paye pour qu’il divertisse chastement sa mère) d’égayer le séjour de sa mère déprimée.
De son côté, Françoise, qu’interprète l’attachante Miou Miou avec toute la nonchalance et la pudeur nécessaires, quitte rapidement le statut de « femme acariâtre de 60 ans quittée pour une jeune » pour devenir une femme aimante et tendre prête à improviser un karaoké très personnalisé devant une foule en joie, ou même à flirter. Enfin, la femme modèle (Camille Chamoux passant aisément de son personnage de fille lesbienne au bout du rouleau dans la série J’ai 2 amours à la bourgeoise tirée à quatre épingles ici) qui se plaît dans sa vie bien rangée (enfant-boulot et mari pas très à l’écoute) n’est elle, non plus, jamais réduite à cette caractéristique.
Si le scénario fait parfois un peu prétexte à l’action et aux gags pas toujours percutants, Larguées vaut surtout pour la fine écriture de ses personnages (féminins comme masculins – Johan Heldenbergh et Thomas Scimeca parfaits dans leurs rôles) et la bienveillance que leur accorde sa réalisatrice. Chacun d’entre eux n’étant jamais tout à fait là où on l’attend. Enfin Larguées réussit aussi à contourner l’idée du « film de fille » (un combo d’embarrassantes confessions et de dévergondage téléguidé parce que « ça fait du bien de se lâcher ») et de dépasser la case genrée de ses personnages pour en faire les égaux de ses homologues masculins.
Pas révolutionnaire mais suffisamment juste pour être remarqué, Larguées pourrait être (on l’espère en tout cas), une des prémices d’un réajustement du féminin dans la comédie française mainstream.
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