Comme souvent dans le cinéma (et le théâtre) arabe, L’Arche du désert est une fable métaphorique. Assez proche d’ailleurs par son propos du Destin de Chahine, mais en plus abstrait et intemporel, en plus épuré. Ici, Mohammed Chouikh s’attaque d’emblée au racisme ordinaire dont la dimension la plus bénigne en apparence, l’esprit de clocher, peut […]
Comme souvent dans le cinéma (et le théâtre) arabe, L’Arche du désert est une fable métaphorique. Assez proche d’ailleurs par son propos du Destin de Chahine, mais en plus abstrait et intemporel, en plus épuré. Ici, Mohammed Chouikh s’attaque d’emblée au racisme ordinaire dont la dimension la plus bénigne en apparence, l’esprit de clocher, peut déboucher sur les pires massacres « ethniques ». Le cinéaste dépeint les effets pervers de l’esprit tribal à partir d’un drame à la Roméo et Juliette se déroulant dans une oasis au milieu du désert.
Contrairement à Chahine qui multiplie les registres et les points de vue, Chouikh assujettit son propos à un regard, celui d’un enfant incrédule et hébété devant la folie qui pousse les adultes à s’entretuer pour une amourette illicite. Même si l’on ne saisit pas toujours les tenants et aboutissants de l’histoire, le plus frappant est la manière imagée qu’emploie le cinéaste pour synthétiser son discours. Prenons les couleurs. Une tribu arbore des oriflammes bleues, l’autre des vertes la couleur de l’islam, soit dit en passant, bien que la religion ne soit pas réellement le problème central ici. Les deux couleurs, omniprésentes, distinguent les factions ennemies qui, parachevant la situation par une touche tragicomique, érigent des barrières au milieu du village. En usant de symboles simples, Mohammed Chouikh illustre de façon incisive l’intolérable absurdité de conflits fratricides comme la guerre du Liban ou celle, encore brûlante, de l’ex-Yougoslavie. Sans parler bien sûr des massacres algériens, confinant à la guerre civile, dont le film est également une transposition.
Bien que L’Arche du désert semble se passer indifféremment au Moyen Age ou au xxème siècle, on est troublé en pensant que cela pourrait également être le tableau d’un futur proche ou lointain ; un retour au système tribal, monde idéal pour écologistes et adeptes des arts et traditions populaires, mais où resurgirait de plus belle l’inaltérable peur de l’Autre.
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