Un documentaire pensé comme un thriller archéologique qui part sur les traces d’une statue antique découverte en Méditerranée, source de rêves et de convoitises.
En 2014, un pêcheur de Gaza trouve dans la mer une statue en bronze du dieu Apollon. Elle se trouve dans un état de conservation remarquable. Le pêcheur rêve d’abord qu’elle est en or, qu’il va pouvoir devenir riche, lui qui est pauvre (comme beaucoup de Gazaouis, bien sûr). Il la montre à son cousin, qui est bijoutier, qui la garde chez lui, dans un coin, conscient qu’elle vaut plus par son âge, sa beauté, sa valeur artistique que par son métal, puis qui essaie sans doute de la vendre à un riche collectionneur éventuel.
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La nouvelle fait le tour du monde. Puis la rumeur galope et le ministère des Antiquités de Gaza vient saisir la statue, qui lui revient de droit. Des photos circulent. Apollon est couché sur un drap pour enfants représentant des Schtroumpfs. Il est pourtant magnifique. C’est toutes ces étapes que nous montre le film, tous ces témoins.
Mais tout se complique : est-ce un vrai ou un faux ? Les avis sont partagés. L’état de la sculpture laisse à entendre selon les uns qu’elle n’a pas pu rester plus de quelques jours dans l’eau de mer. Mais certains croient à la magie… Qui l’a mise là ? Pourquoi ? D’où venait-elle ? De l’Egypte voisine ? Tout le monde se met à fantasmer que cet Apollon est une vraie statue antique, qu’il appartient à Gaza, qu’il date de 2300 ans, époque à laquelle la ville où passa Alexandre le Grand était resplendissante.
Tout le monde projette ses propres fantasmes sur la statue. L’Etat israélien, les pères français de l’Eglise biblique de Jérusalem, la Suisse et l’Unesco proposeraient bien de la faire restaurer, histoire de se l’approprier… Tout le monde le désire, cet Apollon. Mais soudain, il semble que personne ne sache plus où il se trouve…
Montrer l’absence, l’invisible
Le Suisse Nicolas Wadimoff, qui a déjà réalisé plusieurs films sur le conflit en Palestine, prend manifestement du plaisir – et nous aussi – à rencontrer des archéologues, des “trafiquants”, des sculpteurs de fausses antiquités, des collectionneurs, des rêveurs, de faux ou vrais escrocs (mais qui est qui ?), un archevêque orthodoxe, au milieu de leurs livres poussiéreux, de vieilles amphores, des plaques photographiques, des cactus rares, leurs trésors. On se croirait parfois dans Tintin. Et puis il filme aussi les jeunes gens tristes au bord des plages.
Où est la statue ? Ce que montre le mieux le cinéma, c’est l’absence, l’invisible, une fois de plus. Comme le dit un jeune restaurateur d’œuvres d’art gazaoui mélancolique et drôle qui travaille pour les prêtres français : “Elle n’a pas pu sortir de Gaza. Par la mer ? Si c’était possible, nous serions déjà tous partis… Par les frontières, qui sont fermées ? On ne peut même pas passer un falafel !”
Reste que le dieu des Arts et de la Beauté est apparu un jour à Gaza, en laissant un souvenir inoubliable de son passage et des étincelles dans les yeux de ceux qui l’ont vu.
L’Apollon de Gaza de Nicolas Wadimoff, avec la voix de Bruno Todeschini (Can., Sui., 2018, 1h18)
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