Derrière le polar classique au formalisme un peu vain, un hommage subtil et mélancolique aux années 60.
En racontant l’histoire d’un Anglais chenu qui débarque à Los Angeles pour enquêter sur la mort de sa fille, Steven Soderbergh déroule trois fils entremêlés. Le premier, le plus lisible, est pour ainsi dire le prétexte du film, son McGuffin : le suspens de l’enquête en soi, doublée d’un travail de deuil d’un père pour sa fille. Le second, sous-texte ironique, concerne les décalages culturels, comportementaux et langagiers entre Anglais et Américains. Cette confrontation est ici particulièrement savoureuse, grâces en soient rendues aux acteurs, au premier rang desquels un britishissime Terence Stamp et le Latino-Californien Luis Guzman. La troisième piste
suivie par Soderbergh est la plus riche et la plus émouvante, en quelque sorte l’infratexte du film : la mélancolie inhérente à la conscience du passage du temps, L’Anglais étant souterrainement rongé par de constantes réminiscences des Swinging sixties californiennes. Ici, il faut saluer le retour de Peter Fonda, sorte de proto-David Geffen, avant tout soucieux de son bronzage et de l’alignement parfait de sa dentition. Soderbergh filme tout
cela avec la même élégance sophistiquée que son film précédent, Hors d’atteinte, délaissant intelligemment la stricte efficacité dramaturgique pour donner de l’espace au développement de ses personnages. Une réserve quand même : un montage ultra-fragmenté assez chichiteux et inutile. Dommage que ce type de virtuosité scolaire vienne compliquer vainement un film qui n’a pas besoin de ça. Et qui confirmait, avant les méga-succès d’Erin Brockovich et de Traffic, le retour au premier plan de Soderbergh, l’un de ces solides et intelligents raconteurs d’histoires devenus
rares dans le cinéma américain contemporain.
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