De Ridley Scott à Gus Van Sant, au cinéma comme à la télévision, les adaptations bibliques s’enchaînent sans relâche outre-Atlantique.
C’est un des hits séries de l’année 2013 aux Etats-Unis : The Bible, mini-série produite par la chaîne History, en dix épisodes couvrant quelques éléments de l’Ancien Testament mais se concentrant surtout sur la vie de Jésus. Poliment représentée aux Emmys (trois nominations pour la meilleure mini-série, le mixage son et le montage son), sans aucune star au casting si ce n’est Hans Zimmer à la musique, The Bible peut se targuer d’avoir rassemblé plus de 13 millions de spectateurs lors de sa première – c’est-à-dire trois millions de plus que l’ultime épisode de Breaking Bad –, et d’avoir maintenu le niveau d’une façon stupéfiante par la suite.
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Fort de son succès, The Bible a été couronné d’un remontage pour le cinéma : une version de trois heures intitulée Son of God et datée au 28 février prochain (pas encore de date pour la France, mais une distribution est prévue). À la télévision, l’aventure ne s’arrête pas pour autant, puisque la série a été dotée d’une suite, A.D., chapeautée par NBC. Une suite à la Bible, sérieusement ? Jennifer Salke, présidente de NBC Entertainment, s’explique :
« Certains pensent que l’histoire s’arrête à la Crucifixion, mais ce n’est encore que le commencement. Des destins furent totalement bouleversés à cet instant et la mort du Christ eut un impact immédiat sur ses disciples, sa mère Marie, et les chefs politiques et religieux de l’époque. Dans le seul premier épisode, on verra les derniers instants de la Crucifixion, le suicide de Judas suite à sa trahison, Pierre reniant trois fois Jésus, puis le miracle de la Résurrection. »
http://www.youtube.com/watch?v=uUja5WJFAXA
Grands auteurs pour messes musclées
A l’international, 2014 est justement l’année du grand retour du blockbuster biblique. Le Noé de Darren Aronofsky dévoile peu à peu ses atours de destruction porn n’ayant rien à envier à une apocalypse à la Roland Emmerich, avec Russell Crowe dans le rôle-titre (rappel : Noé est âgé de 600 ans au moment du Déluge). On pense plus volontiers à Gladiator qu’à l’Ancien Testament.
C’est rien de moins que Ridley Scott qui planche de son côté sur Exodus. Prévu pour la fin de l’année, le film aura pour stars Christian Bale (Moïse), Joel Edgerton (Ramsès), John Turturro et Sigourney Weaver (en couple pharaonique), et Ben Kingsley en vieux sage hébreu. On y verra également Aaron Paul (Jesse Pinkman dans Breaking Bad) en Josué, ainsi que l’actrice iranienne Golshifteh Farahani (À propos d’Elly, Poulet aux prunes).
Les mini-séries arrivent en flux tendu à la télévision : la chaîne WGN annonce aujourd’hui un projet au casting colossal autour des Dix Commandements. Chaque épisode racontera une histoire différente, associée au commandement en question, et sera mis en scène par un réalisateur star : sont annoncés Gus Van Sant (Elephant), Wes Craven (Scream), Lee Daniels (Precious), et même Michael Cera dont ce serait la première réalisation. Quelques semaines plus tôt, la Fox annonçait également une mini-série autour des sept péchés capitaux, dont on ne connaît pas encore les détails.
La Bible à Hollywood, une histoire en dents de scie
Au tournant des années 1960, alors que le vieil Hollywood rutilant entamait sa petite mort, on a vu fleurir de nombreux films très fastueux adaptés de la Bible. Par ces projets pharaoniques, l’industrie exprimait alors son droit de réponse à la menaçante télévision : la vieille marotte du bigger than life, par laquelle on signifie que le cinéma se doit de rester attractif en tenant bien haut la barre de l’ambition technique. C’est dans ce climat que virent le jour des fresques aussi monumentales que Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille (1956), La Bible de John Huston (1966), etc.
Alors que le sujet biblique n’avait plus tellement cours dans les dernières décennies, il revient à la charge dans les plus opulentes productions de l’industrie. L’option prise par ce regain de piété dans le blockbuster, qu’il soit télévisuel ou cinématographique, n’est plus la subversion des grands auteurs chrétiens, qui signèrent des films isolés et souvent controversés (de Pasolini à La Dernière Tentation du Christ de Scorsese, jusqu’à Mel Gibson et sa Passion du Christ), mais la reconstruction d’un consensus pieux, destiné à la grande exploitation. Régurgité par les nouveaux codes du cinéma populaire, l’Ancien Testament dans sa version contemporaine apparaît plus athlétique, souvent rajeuni – il faudrait s’amuser à comparer l’âge des acteurs ayant incarné des prophètes entre les versions John Huston/Cecil B. DeMille, et cette nouvelle jeunesse –, et c’est au fond ce qu’il a de plus intrigant : comment Hollywood va-t-il réinventer une version à la fois moderne et canonique de la Bible ?
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