Elle restera certainement comme l’une des affaires les plus médiatisées de cette décennie. L’affaire Weinstein, révélée il y a un peu plus d’un mois, ne cesse d’essaimer, contaminant les hautes sphères de l’industrie du cinéma et bien au-delà. Depuis son éclosion le 5 octobre dernier, le scandale est relayé tant via des articles de presse que par la télévision. Retour imagé.
C’est un peu comme un blockbuster, truffé d’insensés rebondissements, que se vit le Weinstein Gate. Il y a près d’un mois, le New-York Times puis le New-Yorker publiaient consécutivement les témoignages d’une pléthore d’actrices, employées et mannequins qui avaient malencontreusement croisé la route de l’ogre Weinstein.
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Et depuis ce jour, l’affaire n’a rien perdu de son ampleur et a même proliféré à grande vitesse, ajoutant chaque jour un nouveau nom à la liste des bourreaux sexuels. C’est le cas de Kevin Spacey et de l’irrévérencieux Louis C.K qui depuis quelques jours se retrouvent sous les feux néfastes des projecteurs. La singularité de l’affaire Weinstein tient aussi à ce qu’elle révèle de l’univers schizophrénique de l’industrie du 7e art ou du moins de son côté méta. C’est ainsi que celui qui incarnait dans la série House of Cards, un président des Etats-Unis tyrannique, abusant délibérément de son pouvoir se retrouve sur le banc des accusés. Et que les sketchs à tendances sexuelles de l’un des humoristes (mais aussi réalisateur et auteur de sa série Louie) les plus talentueux de son temps, résonnent malheureusement avec la réalité.
Depuis, les coupures de presse se succèdent et dénoncent un écosystème touffu et aveugle, où il est préférable de tenir sa langue. La télévision s’en est naturellement mêlée affichant un peu partout des bandeaux breaking news clignotants – c’est d’ailleurs via le petit écran de la chaîne NBC que le scandale devait initialement se propager. Nous avions déjà évoqué la manière dont le cinéma avait (in)consciemment égrené les indices du Weinstein Gate dans ses fictions (de la série française Dix pour Cent au film Scarlet Diva d’Asia Argento, victime de Weinstein) voyons maintenant comment les images de télévision se sont emparées du scandale, entre mea-culpa, interviews teintées de remords, reportage sentencieux et confessions.
Tom Hanks « Je pense que ce nom deviendra un nom et un verbe »
Le protocole est souvent le même : une personnalité venue faire la promo de son nouveau film est confrontée à l’inévitable question autour du Weinstein Gate. Parmi la masse de réactions, on trouve celle de Tom Hanks. Interrogé par BBC News, l’acteur évoque l’affaire comme un « moment décisif » et le nom de Harvey Weinstein, non plus comme l’emblème du renouvellement du cinéma américain d’auteur mais bel et bien comme « un nom et un verbe« .
Matt Damon : « C’était un tyran intimidant mais c’était une légende »
Au début de l’affaire de nombreuses victimes du magnat d’Hollywood accusent des personnalités importantes de l’industrie d’avoir eu connaissance des agissements de l’homme. Matt Damon est l’un d’entre eux. L’acteur américain connait bien Weinstein puisque c’est à ses côtés que sa carrière explose. En 1997, Gus Vant Sant est couronné à la cérémonie des Oscars pour Will Hunting, et les jeunes auteurs/acteurs du film (Matt Damon et Ben Affleck) reçoivent le prix du scénario. Harvey Weinstein, déjà au sommet de sa gloire avec une Palme d’Or (Pulp Fiction) et plusieurs Oscars (Shakespeare in Love) est celui par qui la gloire arrive et Will Hunting n’en est qu’un énième exemple. À ce titre, Damon, en 2004 dans un entretien accordé à Vanity Fair, déclarait au sujet de Weinstein « c’est lui qui a tout déclenché« . D’abord accusé de complicité avec Ben Affleck mais aussi Russell Crowe, Matt Damon a finalement commenté l’affaire lors d’un entretien télé, en pleine promo du nouveau film de George Clooney. En quelques minutes, le comédien décortique la perversité du système Weinstein : » Il a acheté Will Hunting et nous avons tourné en 1997. J’ai ensuite fait cinq films et il m’a fait signer pour trois films (…) C’était un tyran, il était intimidant mais c’était une légende (…) Les gens qui travaillaient avec lui savait qu’ils venaient ici pour faire un bon film. Miramax a été vraiment l’endroit qui faisait des grandes choses dans les années 90. » CQFD.
Uma Thurman : « Quand je serai prête, je dirai ce que j’ai à dire »
https://www.youtube.com/watch?v=cu67HilnYIo
Un mois après les révélations, Uma Thurman, s’exprime à son tour sur l’affaire. Amenée à collaborer avec le producteur à maintes reprises, la comédienne est interrogée à la volée d’un red carpet. C’est dans une forme de retenue assez glaçante, qu’elle répond posément à la journaliste. Elle déclare alors que l’affaire est trop jeune pour qu’elle puisse la commenter aisément. Pourtant, si l’actrice n’apporte aucun véritable commentaire sur le cas Weinstein (savait-elle mais surtout en a-t-elle été la victime ?), tout dans sa manière d’être et dans son corps ressemble à un aveu. Tandis que la journaliste la questionne hors-champs, Uma Thurman après avoir posé son regard sur elle, se tourne face caméra. Chaque mot est pesé et semble difficile à prononcer « Je n’ai pas de déclaration toute prête à vous faire, parce que je ne suis pas une enfant, et j’ai appris que quand je parle sous le coup de la colère, je regrette généralement ma manière de m’exprimer, a-t-elle expliqué froidement. Donc j’attends de me sentir moins en colère. Et quand je serai prête, je dirai ce que j’ai à dire. »
Gwyneth Paltrow remercie Harvey Weinstein aux Oscars
L’exercice de l’interview façon confession est celui qui revient le plus à la télévision américaine. Mais il y a aussi ces reportages télé, aux bandes-sons inquiétantes, qui font office de récapitulatif de l’affaire. Celui-ci, réalisé par la chaîne ABC News, est assez saisissant. Il débute par une image triomphante des Oscars 1999, celle de la jeune Gwyneth Paltrow, déjà abusée par le producteur. À l’époque, la jeune actrice ne compte encore aucune récompense dans son palmarès malgré une carrière déjà bien fournie (Seven de David Fincher, De grandes espérances d’Alfonso Cuaron). Ce soir-là, elle reçoit le prix de la meilleure actrice pour son rôle d’amoureuse dans Shakespeare in Love, grand gagnant de la soirée. La jeune femme, à l’allure frêle, âgée de 27 ans, grimpe les larges marches du Dorothy Chandler Pavilion de Los Angeles. Émue aux larmes, elle débute son discours en remerciant Harvey Weinstein. La relecture de cette image aujourd’hui n’en est que plus saisissante. On ne peut s’empêcher d’y voir la quintessence de la mécanique Weinstein, faite de gloire et d’abus.
“Harvey Weinstein is a Bad Person” par Stephen Colbert
Il est plutôt rare qu’un sujet sulfureux passe entre les mailles du filet satirique des talk-shows américains. On pensait alors que tout naturellement l’affaire Weinstein allait très vite s’exporter sur les plateaux. Pourtant après les révélations, les réactions de ce côté là sont quelques peu frileuses et un article du New-York Times, daté du 8 octobre, révèle même que le Saturday Night Live aurait zappé en toute dernière minute, les blagues prévues à l’occasion. Fort heureusement quelques figures stars de la télé américaine ne tarderont pas à ironiser sur les accusations abracadabrantesques à l’encontre de Weinstein. Dans ce speech humoristique, Stephen Colbert énumère un-à-un les quelques faits reprochés au business man soulevant leur caractère irréel (« Je veux vous prévenir: certains détails de ce que Weinstein a fait sont assez horribles« )… et en profite pour tacler un président des Etats-Unis peu surpris des pratiques de Weinstein, étant lui même coutumier de « concepts » borderline : « attraper les femmes par la chatte »
« Votre excuse n’en est pas une » par John Oliver
https://www.youtube.com/watch?v=D9jfduQiGo8
Même type de tribune chez le concurrent John Oliver qui lui aussi ne manque pas d’égratigner la figure présidentielle soit « le Harvey Weinstein président« . Car si l’affaire a de quoi ahurir, elle est loin d’être unique et semble même, malheureusement, en adéquation avec son temps et apparaît comme le symptôme extrapolé de l’ère Trump.
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