Sorti il y a deux ans, Ladybird avait contribué à raffermir les liens déjà solides entre Ken Loach et le public français, boosté à la surprise générale les ventes d’un célèbre hebdomadaire de télévision et fait pleurer toutes les familles, âmes sensibles, veuves et orphelins qui s’étaient déplacés pour voir le film. Mélodrame social basé […]
Sorti il y a deux ans, Ladybird avait contribué à raffermir les liens déjà solides entre Ken Loach et le public français, boosté à la surprise générale les ventes d’un célèbre hebdomadaire de télévision et fait pleurer toutes les familles, âmes sensibles, veuves et orphelins qui s’étaient déplacés pour voir le film. Mélodrame social basé sur l’histoire véridique d’une femme à qui les services sociaux enlèvent régulièrement ses enfants, parfois même dès leur naissance, Ladybird est certes poignant, bouleversifiant et donne l’envie impérieuse de buter illico toutes les assistantes sociales de la terre. Mais en revoyant le film, on constate que Ladybird dépasse ce matériau de base à faire chialer Margot. Ken Loach dresse ici un remarquable portrait de femme ainsi que la radiographie d’une névrose : Maggie, magistralement incarnée par Crissy Rock, pique des crises de nerfs à peu près aussi terrifiantes que les mines patibulaires du premier serial-killer venu. Et Loach montre cruellement un cercle vicieux, un engrenage infernal : Maggie voit rouge parce qu’on lui prend sa progéniture ; mais si on lui retire la garde de ses mômes, c’est précisément parce qu’elle semble ne pas pouvoir se contrôler. Seule lueur dans son cauchemar, la présence chaleureuse, amoureuse et déstressante de son compagnon, réfugié politique vénézuélien (Vladimir Vega). Au déchaînement viscéral de Maggie la prole, Jorge le roué dialecticien oppose son calme, envisage une stratégie de récupération des gosses fondée sur la négociation, le dialogue. Maggie et Jorge, c’est le choix entre les tripes et le cerveau, l’action et la réflexion, la force de frappe et la diplomatie. Finalement, au-delà de la dignité bafouée du prolétariat, c’est bel et bien une question de stratégie politique, une réflexion sur la fin et les moyens qui intéressent ce vieux gauchiste de Loach.