La première scène d’un film peut être trompeuse. Celle de La Visite de la fanfare laisse présager un scénario légèrement différent. On voit en plan large un minibus s’arrêter près d’une infrastructure évoquant un aéroport, une gare frontière. Un homme en descend avec d’énormes ballons de couleur qu’il va ensuite ranger à l’arrière du véhicule. […]
La première scène d’un film peut être trompeuse. Celle de La Visite de la fanfare laisse présager un scénario légèrement différent. On voit en plan large un minibus s’arrêter près d’une infrastructure évoquant un aéroport, une gare frontière. Un homme en descend avec d’énormes ballons de couleur qu’il va ensuite ranger à l’arrière du véhicule. Cette scène muette est suivie de l’apparition d’un curieux bataillon d’hommes en uniforme d’opérette bleu ciel, munis de valises et d’instruments de toutes tailles, qui forment une cocasse colonne. On pense beaucoup à Jacques Tati. Ou à un autre disciple moyen-oriental de Tati, Elia Suleiman. La suite du film infirme peu à peu cette impression initiale. Car, au-delà de son burlesque froid, qui est sa principale qualité, La Visite de la fanfare est plus ordinaire, psychologisant et humanisant à gogo. C’est néanmoins une nouvelle bonne surprise du cinéma hébreu après le stylé Frozen Days. Si le sujet est un peu bateau, il est traité avec délicatesse, laissant toujours une place pour des échappées poétiques, des digressions intempestives. Il est question, comme le titre l’indique, de la tournée de la fanfare de la police d’Alexandrie en Israël. L’intrigue – et la drôlerie initiale due aux déplacements de cette étrange troupe aux costumes bleu layette – naît de l’isolement du groupe dans un cadre désert et silencieux, où l’irascible Tewfiq mène ses hommes par erreur.
Les Egyptiens arrivent dans une morne cité perdue dans les sables, où ils sont accueillis par une population simple mais sympathique. L’entente cordiale entre deux peuples ennemis… La musique adoucit les mœurs… Chabadabada… Cela dit, l’aspect musical correspond à une réalité, comme on a pu le constater dans un décent documentaire, Le Blues de l’Orient, montrant que de nombreux Israéliens (surtout les plus âgés) sont férus de musique arabe classique (que joue la fanfare). Mais le vrai plaisir que distille ce film – outre la personnalité attachante des acteurs, dont la pétulante Ronit Elkabetz, qui cette fois n’en fait pas trop – provient des notations burlesques qui l’émaillent : citons les running gags de l’Egyptien et de l’Israélien attendant un appel pressant devant le même téléphone public. Ou la scène dans une boîte où le don Juan égyptien mime les gestes de l’approche amoureuse sur un Israélien trop coincé pour entreprendre la jeune fille triste à côté de lui. Ces digressions ne font pas un film et ne nous évitent pas le couplet œcuménique. Mais elles égayent parfaitement cette gentille comédie.