Retour au pays natal. En renouant avec ses origines maliennes, Sissako livre un beau film consacré à la force du lien, malgré l’exil. Abderrahmane Sissako livre ici un film sur le déplacement, qu’il soit intérieur, géographique, cinématographique. Il filme son retour dans son village natal du Mali, à la veille de l’an 2000. Entre documentaire […]
Retour au pays natal. En renouant avec ses origines maliennes, Sissako livre un beau film consacré à la force du lien, malgré l’exil.
Abderrahmane Sissako livre ici un film sur le déplacement, qu’il soit intérieur, géographique, cinématographique. Il filme son retour dans son village natal du Mali, à la veille de l’an 2000. Entre documentaire et fiction, politique et poésie, La Vie sur terre qui est né d’une commande d’Arte sur le thème du changement de millénaire et a été diffusé en décembre dernier se déploie en profondeur, chaque nouveau plan naît du précédent et enrichit le suivant. Le film, qui s’ouvre et se clôt sur l’envoi d’une lettre, mêle avec brio l’écrit et l’image. Ponctué par des citations des textes d’Aimé Césaire, La Vie sur terre saisit dans une attention extrême la vie quotidienne du petit village, Sokolo, dans lequel Sissako se fond dès son arrivée en quittant ses vêtements d’Européen et en enfourchant un vélo. C’est d’ailleurs ainsi qu’il croisera le chemin de Nana, personnage féminin par qui la fiction s’introduit. Les plans, dans leur durée, sont une interrogation intime permanente du réalisateur quant à son identité africaine et son choix de l’exil, questionnement résumé dans cette phrase qu’il écrit à son père : « Ce que je vis loin de toi vaut-il ce que j’oublie de nous ? »
En découvrant les habitants, on s’aperçoit que malgré l’isolement du village et leurs difficultés pour survivre, ils sont tous reliés par un grand besoin de communication et de rapprochement, qui passe par la radio locale, le photographe, le tailleur et le téléphone qui donne lieu à de nombreuses séquences à la poste du coin où chacun tente, plus ou moins facilement, de joindre un proche pour donner ou prendre des nouvelles. Il y a d’ailleurs une grande circulation dans les cadres, qui se laissent envahir, traverser lentement ou franchir par la foule. Le sillonnement incessant des bicyclettes évoque une chorégraphie sensuelle. Que Sissako filme un arbre à l’horizon, un mur en torchis ocre ou évoque un soleil implacable, dévorant et désertifiant les terres, par les déplacements successifs d’hommes assis acculés contre une maison à mesure que l’ombre se consume, ses plans sont de toute beauté et riches de sens. La caméra interroge le passé, le présent, le futur du continent. Sissako a tourné sans scénario, dans l’improvisation et le désir de saisir les opportunités offertes par le hasard, en laissant l’Afrique s’imposer à lui et impressionner la pellicule de sa lumière, de ses gestes, et de son rapport au temps.
Le film de Sissako sort en salles suivi de La Projection, un court métrage de Marie Jaoul de Poncheville qui filme la première projection de La Vie sur terre dans le village de Sokolo, un an après, en présence d’Abderrahmane Sissako. Mais les réactions des habitants recueillies par la réalisatrice restent en deçà de ce que l’on aurait aimé apprendre, et cet appendice nous laisse sur notre faim. Une postface assez peu nécessaire au regard du film.
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