A l’origine, La Veuve joyeuse est une opérette triomphale écrite par Franz Lehar en 1905. Son hit, Heure exquise (qui nous grise, lentement/La caresse, la promesse du momet/L’ineffable étreinte de nos désirs fous), est d’ailleurs encore chanté dans toutes les maisons de retraite par les succédanés de Jack Lantier. En 1925, Eric von Stroheim en […]
A l’origine, La Veuve joyeuse est une opérette triomphale écrite par Franz Lehar en 1905. Son hit, Heure exquise (qui nous grise, lentement/La caresse, la promesse du momet/L’ineffable étreinte de nos désirs fous), est d’ailleurs encore chanté dans toutes les maisons de retraite par les succédanés de Jack Lantier. En 1925, Eric von Stroheim en tourne une première adaptation singulièrement sulfureuse, truffée d’infirmes, de fétichistes et de princes courant d’une orgie à l’autre. Lubitsch lui succède neuf ans plus tard. Si dans un cas comme dans l’autre le sexe et l’argent sont les principales motivations des protagonistes, Lubitsch préfère les recouvrir d’un voile sophistiqué et allusif. C’est cette façon narquoise et métaphorique de styliser la réalité que l’on appelle Lubitsch touch, et ici, plus qu’une touche, c’est un concept. Le premier plan du film, une loupe cherchant sur une carte le royaume imaginaire de Marsovie en Europe de l’Est, renvoie à l’imaginaire de Tintin et trouve en tout cas un équivalent cinématographique aux conventions de l’opérette. Il y a une forme d’honnêteté dans le contrat proposé au spectateur : « Tout ce que vous allez voir est faux, je vous demande juste d’y croire. » En Marsovie donc, une jolie veuve (Jeanette MacDonald, moins fade que la nourriture qui porte son nom) détient plus de 50 % des richesses du royaume, mais s’y ennuie et décide de partir s’amuser dans le Gai Paris. Une catastrophe pour l’économie du pays. Le roi ne voit qu’une solution pour la faire revenir : ordonner à un séducteur professionnel, le prince Danilo (un Maurice Chevalier un peu cavalier), de l’épouser. Sur un tel point de départ, on peut imaginer comment Lubitsch se fait plaisir. Aux codes sociaux de cette aristocratie fin de race, il va trouver des équivalences visuelles stupéfiantes. Ainsi, lorsque Sonia décide qu’elle en a assez d’être en deuil, les robes noires qui s’entassent dans ses penderies deviennent blanches en un éclair. Idem pour les chaussures, les chapeaux, jusqu’au chien ! Autre merveille de mise en scène : pour signifier que la veuve s’ennuie, Lubitsch lui fait feuilleter les pages de son journal intime sur lesquelles est invariablement tracé le mot « nothing » (« rien »)… Quoi que fassent les personnages de Lubitsch, du meilleur (l’amour) au pire (là, il faut voir le film), ils le font avec style.
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