Loin des fastes clinquants et kitsch du mélo égyptien, La Sueur des palmiers participe de ce cinéma tiers-mondiste que goûtent fort les Occidentaux entichés d’authenticité. Vérité des personnages et des décors naturels, beauté des archaïsmes. L’action se déroule dans un village fortifié au sud de l’Egypte dont l’unique trésor est l’oasis attenante, grenier à dattes. […]
Loin des fastes clinquants et kitsch du mélo égyptien, La Sueur des palmiers participe de ce cinéma tiers-mondiste que goûtent fort les Occidentaux entichés d’authenticité. Vérité des personnages et des décors naturels, beauté des archaïsmes. L’action se déroule dans un village fortifié au sud de l’Egypte dont l’unique trésor est l’oasis attenante, grenier à dattes. Là, une communauté de femmes restées seules (avec un adolescent et un vieil homme muet), après le départ des hommes allés travailler à la ville, va dériver, tenter une amorce d’émancipation qui finira dans la tragédie. Dramaturgie orientale classique, pour une oeuvre qui ne ressemble guère aux fables foutraques et hétérogènes de Jo Chahine, dont la compagnie Misr International a produit ce film. Cela n’empêche pas le film de Radwan El-Kashef, ancien assistant de Jo, entre autres, d’avoir des résonances politiques et progressistes. D’abord en dénonçant de façon plutôt plaisante la seule fantaisie de ce film rigoureux les miroirs aux alouettes qui entraînent les hommes loin de leur communauté rurale, dans les villes où ils grossissent les rangs du sous-prolétariat. C’est par un étrange deus ex machina invisible caché dans un camion et escorté par deux motards déguisés en anges de la mort bariolés que les hommes sont attirés comme des mouches vers un illusoire eldorado. Ensuite, il y a le monde des femmes, comblées de jouir d’une indépendance nouvelle mais anxieuses de l’absenceprolongée de leurs hommes. La répression des transgressions féminines (comme l’adultère) dans le sang n’exprime pas, comme on pourrait le penser a priori, une conception réactionnaire, une volonté de retour à une morale rigoriste. C’est plutôt une remise en question globale d’un système où la femme, enchaînée au destin de l’homme, subit les conséquences des mauvaises options de celui-ci (ici, la fuite irrationnelle pour un paradis trompeur). Autrement dit, tout en nous faisant assister aux prémices d’une hypothétique et utopique communauté féminine, le film est un long lamento sur la triste condition de la femme arabe. Mais ce n’est pas pour autant une oeuvre grave et sinistre. Solaire et lumineuse, elle épouse la forme onirique d’une légende. Et puis, elle est émaillée de bout en bout par de sublimes et entraînantes chansons du musicien Yasser Abdel-Rahman.