Tourné en 1970, La Stratégie de l’araignée est le quatrième long métrage de Bertolucci qui, après des débuts néopasoliniens, trouve ici pour la première fois une maturité stylistique et narrative complètement originale. Ce film marque aussi sa rencontre avec Vittorio Storaro, génial directeur de la photographie, qui sera pour beaucoup dans la réussite des films […]
Tourné en 1970, La Stratégie de l’araignée est le quatrième long métrage de Bertolucci qui, après des débuts néopasoliniens, trouve ici pour la première fois une maturité stylistique et narrative complètement originale. Ce film marque aussi sa rencontre avec Vittorio Storaro, génial directeur de la photographie, qui sera pour beaucoup dans la réussite des films de Bertolucci dans les années 70. Inspiré d’une nouvelle de Borges, La Stratégie de l’araignée a la forme d’une enquête, celle d’Athos Magnani qui revient sur les lieux de l’assassinat de son père, héros néofasciste tué pendant la guerre. Comment est-il mort, qui l’a assassiné ? En partant de cette recherche de paternité et de vérité, le film tisse une toile de rapports où s’entremêlent avec limpidité la mémoire collective et les rapports privés, les liens familiaux et les problèmes politiques. Mais ce qu’il y a de formidable dans ce film, c’est d’abord un lieu, Tara (en hommage lointain à Autant en emporte le vent), et un pays, la plaine padane, admirablement filmé, avec d’amples mouvements d’appareil alternant zooms et travellings, pour fixer une géométrie qui dépasse largement la géographie. Car ces perspectives immenses, ces échappées labyrinthiques sur une campagne plane et une ville enserrée dans ses murs sont bien plus qu’un décor ; rarement un lieu aura autant été un seuil, une limite, une frontière de l’inconscient au moment du tournage, Bertolucci commençait une psychanalyse et y puisa pleinement pour construire son scénario. Tara est en fait la petite ville de Sabbioneta, près de Mantoue, et le choix n’est pas innocent. Construite ex nihilo par les Gonzague, Sabbioneta est une ville qui n’existe pas, un lieu de représentation. Lieu idéal, théâtralisé à l’extrême, qui permet à Bertolucci de construire une œuvre profondément interrogative, qui scrute les méandres de l’âme pour faire éclore la vérité. La Stratégie de l’araignée est aussi avec Le Conformiste, tourné la même année l’un des films les plus plastiques de Bertolucci : son inspiration figurative va de Hopper à Magritte, en passant par la peinture métaphysique de De Chirico. Et les expérimentations de lumière de Storaro ne sont pas pour peu dans cette réussite picturale du film, les personnages se détachent implacablement sur les paysages nocturnes ou ensoleillés, y gagnant une inquiétante étrangeté.
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