En Italie, sur les rives du lac majeur, l’évolution de quatre personnages qui trouvent un sens nouveau à leur vie. Une oeuvre rigoureuse et subtile, pétrie de beauté et d’intelligence.
Alexandre (le formidable Fabrizio Rongione, révélé par les frères Dardenne) a 50 ans et est un architecte reconnu. Il vient se reposer sur les rives du lac Majeur en compagnie de son épouse Aliénor (Christelle Prot, que l’on est très heureux de retrouver, quelques années après Toutes les nuits, Le Monde vivant et Le Pont des Arts, trois films précédents de Green), avec la ferme intention de se consacrer à la rédaction d’une étude sur l’architecte baroque Francesco Borromini. Sans qu’il y ait de véritables heurts entre eux (il n’y a jamais d’affrontements violentissimes chez Green), on sent bien que le temps a passé, que ce n’est plus tout à fait ça, n’est-ce pas, entre les deux époux.
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Mais ce voyage en Italie (on pense un peu à Rossellini) va leur faire rencontrer un autre couple, ou plutôt un duo de jeunes locaux, une sœur et un frère, Lavinia et Goffredo. Lui s’apprête à commencer des études d’architecture à Venise, elle est de santé et de psychologie fragiles (même si Green préfère, en tout cas dans ses films, substituer les mythes et les fantômes, plus romanesques et fondateurs d’images, à la psychologie). La rencontre entre les deux couples va mener à une séparation : Alexandre emmène Goffredo à Rome admirer les Borromini (épisode poétique durant lequel Green s’adonne aussi à un portrait caustique des pensionnaires français de la Villa Médicis), tandis qu’Aliénor reste à Stresa avec Lavinia, souffrante.
La sapience est le mot noble pour désigner la sagesse. Chacun des quatre compères, au contact de l’autre, va trouver un nouveau sens à sa vie, trouver sa voie, mais aussi redécouvrir la fraîcheur de sentiments qu’il croyait ne plus éprouver. La Sapienza est un film sur la réconciliation, d’abord avec soi-même et ensuite avec le monde. Jamais peut-être on n’avait senti Eugène aussi ému par ses personnages, ses acteurs. Il les filme avec une rigueur inentamée (plans fixes hyper centrés, super symétriques, phrasé exigeant avec les liaisons – le style de Green), dans une belle et stricte architecture qui met en valeur leurs traits, la vie, la vitalité qui se dégage d’eux et de la nature. Et puis le film, limpide dans son message, fait l’éloge de la transmission entre les générations, dans les deux sens. En ces temps mouvementés, tragiques, le calme inquiet de La Sapienza étanche nos soifs de paix, d’amour, de beauté, d’art et d’intelligence.
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