Devenu le FEMA depuis 2019, le FEstival La Rochelle cinéMA fêtait cette année son demi-siècle. Un festival riche et toujours essentiel.
Il y avait du beau monde, à La Rochelle, cette année, pour fêter comme il se mérite sa 50e édition.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Fréquenter le “préau” – une cour d’école, devenue depuis quelques années le lieu de sustentation (gratuit) et de rencontre, très bon enfant, des invité·es du festival – c’était saluer ou apercevoir de loin, au hasard : Valeria Bruni Tedeschi, Bertrand Bonello, Alain Cavalier, Olivier Père d’Arte, la productrice Sylvie Pialat, le critique portugais Rui Nogueira, le grand monteur Yann Dedet, le restaurateur Serge Bromberg, le patron de Lobster films, etc., et, évidemment, la directrice artistique et les deux délégués généraux de la manifestation : Sylvie Pras, Sophie Mirouze et Arnaud Dumatin.
Aller à La Coursive, le centre névralgique du FEMA, c’était croiser Dominik Moll, la journaliste Elisabeth Quint, François Ozon, le grand chef-opérateur suisse Renato Berta, etc. – tou·tes venu·es voir, présenter des films ou participer à des master-class. Des avant-premières, suivies de débats, tous les jours (souvent des films vus à Cannes). Des ciné-concerts partout, tout le temps.
Une programmation de choix
La programmation 2022 était exceptionnelle : un hommage à Alain Delon, qui n’avait pu se déplacer mais avait envoyé un message émouvant et confié à son fils, Anthony, le soin de le représenter et de remercier le festival ; une intégrale de l’œuvre de Pier Paolo Pasolini ; une sélection de films d’Audrey Hepburn ; une présentation du nouveau cinéma ukrainien ; une rétrospective consacrée au cinéma portugais depuis ses origines, une autre à Jonas Trueba, le petit génie espagnol, ou encore à Johanna Hogg. Impossible de tout citer ici.
Comme chaque année, La Rochelle fut ce rendez-vous incontournable qui permet aux amoureux·euses du cinéma de se poser (pas de compétition !), de se retrouver dans un bain de jouvence, de culture, d’art. De revenir aux sources. De revoir des ami·es, des réalisateur·trices qu’on suit depuis des années parfois. Boire un verre ensemble entre deux films. Ici, on croise des habitant·es de la région qui vont voir quatre films par jour pendant les neuf jours que dure le festival.
L’intégrale Pasolini permettait de voir ou revoir certains des films que l’on a le plus aimés (comme l’éternel Mamma Roma, avec Anna Magnani), souvent projetés dans des versions restaurées très récentes. Mais aussi de découvrir des courts-métrages encore peu connus, notamment les deux documentaires de dix minutes (bien denses !) réalisés par une amie de Pier Paolo Pasolini, la photographe et cinéaste Cecilia Mangini (1927-2021), Le chant des marécages (1960 – sur un texte de Pasolini) et l’impressionnant Stendali (1960).
C’est sur ce film, petit en durée, mais immense en beauté, que je conclurai ce texte, parce que c’est parfois dans les endroits les plus cachés qu’on trouve les plus fortes émotions.
Dans Stendali, Mangini filme des femmes des Pouilles en train de pratiquer la cérémonie traditionnelle des lamentations. Un adolescent est mort. Les femmes, toutes de noir vêtues, commencent leurs mélopées autour du cercueil ouvert. Un texte, en voix off, nous explique que ces chants remontent sans doute à l’antiquité, qu’ils sont d’origine grecque et se sont transmis oralement. La lamentation, la mélopée, le ressassement, le rythme du chant, le mouvement d’un mouchoir blanc dans leurs mains, tenu presque comme une petite barque, entraînent les femmes dans un balancement qui les mènent à une espèce de danse, voire de transe. Certaines s’arrachent les cheveux. L’expression, l’extériorisation de la douleur, volontairement outrée (dirions-nous, nous, moderne?), se veulent cathartiques. Les lamentations terminées, on ferme le cercueil, on ouvre les portes et les hommes s’emparent de lui, accompagnés du curé, pour aller au cimetière l’enterrer – interdit aux femmes… Le pouvoir religieux patriarcal contemporain reprend ses droits. Restent en mémoire les images de ces chants archaïques, païens, détenus et exercés par les seules femmes.
{"type":"Banniere-Basse"}