Voilà un film qui nous fait prendre pleinement conscience que la Nouvelle Vague a aussi eu de graves effets pervers. Ainsi, de même que les Beatles ont engendré involontairement des monstruosités comme le “rock progressif”, quarante ans de critique post-Cahiers jaunes et de pensée moderne du cinéma peuvent enfanter sans le faire exprès La Révolution […]
Voilà un film qui nous fait prendre pleinement conscience que la Nouvelle Vague a aussi eu de graves effets pervers. Ainsi, de même que les Beatles ont engendré involontairement des monstruosités comme le « rock progressif », quarante ans de critique post-Cahiers jaunes et de pensée moderne du cinéma peuvent enfanter sans le faire exprès La Révolution sexuelle n’a pas eu lieu. Soit un film mal écrit, mal structuré, banalement filmé, mal interprété, bourré d’humour pas drôle du tout, ne contenant pas un seul plan intéressant (hormis peut-être celui de l’ouverture), un film dont l’amateurisme revendiqué n’est que le masque d’un manque de talent flagrant et dont la pseudo-distanciation humoristique n’est que le signe le plus évident d’une vanité tout à fait indigeste un film dont le pire péché consiste à donner du grain à moudre à la partie réactionnaire de la cinésphère française : si un Christian Clavier qualifiait ce film de branlette intello, reconnaissons qu’on ne pourrait guère le contredire.
Judith Cahen reprend ici le système morettien de La Croisade d’Anne Buridan sauf qu’elle ne possède ni le talent de cinéaste ni la puissance comique acide de son illustre modèle italien. Or donc, mademoiselle Cahen/Buridan quitte momentanément sa bande de potes et leur activisme de radio libre pour « mettre de l’ordre dans sa tête ». Ce faisant, elle rappelle au spectateur le pire boy-scoutisme militant des seventies en lui enjoignant de réfléchir à diverses questions cruciales. « Alors on arrête de déconner, et on réfléchit à la problématique du corps… du sexe… du collectif… du narcissisme pervers… » (en effet, plus de deux heures de Judith Cahen filmée par Judith Cahen posent ce problème fondamental). Comme la cinéaste aligne ces questions comme un maçon empile des briques, lourdement, sans jamais pouvoir les étayer par un début de vraie réflexion ou tout simplement une idée de cinéma, le film s’éternise tel un long pensum ennuyeux et nombriliste. Car l’arrogance ultime de Cahen et de ses amis consiste à croire qu’un spectateur puisse être susceptible de s’intéresser à leur vie quotidienne informellement enregistrée au caméscope. La Révolution sexuelle… produit la même sensation que de se retrouver coincé dans une soirée diapos chez des gens antipathiques que l’on connaît à peine. Camarades, encore un (immense) effort pour devenir cinéastes.