Le prégénérique déjà, très bref, émerveille et frappe comme un condensé du cinéma de Powell et Pressburger, sans que l’on puisse clairement localiser ce qui plaît tant dans ces quelques plans d’un renard qui fuit une meute aboyante et qui se réfugie dans son terrier. Car si tout chez Powell est frappé du sceau de […]
Le prégénérique déjà, très bref, émerveille et frappe comme un condensé du cinéma de Powell et Pressburger, sans que l’on puisse clairement localiser ce qui plaît tant dans ces quelques plans d’un renard qui fuit une meute aboyante et qui se réfugie dans son terrier. Car si tout chez Powell est frappé du sceau de la magnificence (décors, costumes, photographie, musique, acteurs : seul un Anglais peut avoir autant de goût), il n’est un cinéaste génial que par la manière dont il fait communiquer tous ces ingrédients dans un art
musical et pictural des concordances, du contrepoint et des contrastes. Le rêve du cinéma comme art total et sa fabrication dans l’agencement minutieux des détails. On appelle cela du cinéma d’esthète, péjorativement le plus souvent, certains étant persuadés que le cinéma est affaire de captation plutôt que de construction, en oubliant que ceux qui arrivent par ce travail sur la surface à faire entendre des lignes plus sourdes, à créer des harmonies, à rendre sensibles des abîmes invisibles, sont rares : Powell, Losey, Visconti. On pourra aussi reprocher à Powell d’avoir trop sacrifié à cet art-là : tous ses films connaissent des tares manifestes (monologues et digressions sans fin, personnages incohérents, discours simplistes qui saccagent la belle ambiguïté entretenue), ils ne sont parfaits que dans le souvenir halluciné qu’on en a. Son cinéma est essentiellement une série de fulgurances dont Powell ne sait pas toujours utiliser les retombées, à l’exception peut-être du Narcisse noir et du Voyeur, plus équilibrés dans leur déséquilibre patent. Car la folie n’a pas attendu le sulfureux Voyeur pour suinter du cinéma fardé de Powell, tour à tour macabre, voyeur et nécrophile. Dans La Renarde, encore une fois, une jeune femme est immolée ici Jennifer Jones, tout en œillades, moues enfantines, et affublée d’un horrible accent pour satisfaire aux exigences d’une narration romantique et pour mettre en avant les personnages masculins dont les gros plans sur les visages énigmatiques laissent passer la richesse intérieure. Il faut donc un peu oublier ce que le film raconte, et qui n’a pas l’air d’intéresser beaucoup les auteurs, pour voir ses beautés, son espace baroque, tout en plis et replis, qui fait que les personnages ne trouvent jamais ce qu’ils cherchent. Ou encore, la contrée inquiétante aux espaces déconnectés, troués, magiques que fait Powell de ce pays de Galles, où sorcières et machines à vapeur se côtoient. Les éléments du conte sont là, tapis dans le film, mais ne sont pas développés, Powell préférant changer subtilement de registre plutôt que d’appauvrir sa palette. Ainsi, le film passe sans cesse du fantastique au réalisme, de la gravité à l’humour, de la féerie au cauchemar.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}