Une troupe d’acteurs plus que parfaite dans un opéra flamboyant ET subtil de Patrice Chéreau.
C’est peut-être le meilleur film de Chéreau, son style théâtral et ampoulé s’accordant bien avec cette période de l’Histoire où le pouvoir est plus que jamais un théâtre, puisque Marguerite elle-même se fait manipuler par sa famille sans rien maîtriser. Adjani, engoncée dans des costumes qui l’empêchent de faire le moindre mouvement, est parfaite dans le rôle. Une fois n’est pas coutume, elle est tenue (retenue ?), elle n’est plus qu’un fantôme entouré de monstres. Et côté monstres, c’est Virna Lisi qui remporte la palme en mère-mante religieuse, avec une dégaine démente reprise par Matthew Barney pour Ursula Andress dans son Cremaster 5.
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Tout en restant fidèle à ses obsessions, Chéreau réussit à intégrer dans ce gros gâteau romanesque quelques ingrédients nouveaux qui iraient, pour aller vite, d’Umberto Eco à Renaud Camus. D’Eco et de son Nom de la rose, on retrouve la figure du livre empoisonné qui coûtera la vie à Charles IX, le frère de Margot.
De Camus et son Tricks, on retrouve la consommation sexuelle insatiable de Margot, qui descend dans les ruelles sombres en riant : « Il me faut un homme ce soir ! » Chéreau sait sans aucun doute diriger ses acteurs : il parvient à donner vie à cette galerie de monstres et de fantômes avec une subtilité jamais retrouvée dans son cinéma jusqu’ici. La Reine Margot regorge de « grands thèmes », mais c’est dans les détails, dans de subtils jeux de lumière que se trouve le meilleur de cette saga ensanglantée. Presque dix ans ont passé depuis sa sortie. Il faut redécouvrir ce film avec une attention nouvelle. Il n’a pas fini de distiller son poison.
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