Insomnia, le service de streaming accessible via Prime Video, propose ce mois-ci dans ses nouveautés un film d’horreur indonésien méconnu, qui devrait ravir les amateurs d’épouvante à la recherche de frissons inédits.
Peu connu en Occident – sinon des amateurs de diableries en quête de frissons australs – le cinéma d’horreur indonésien est un vivier insoupçonné de films d’épouvante mutants, à la fois irrigués par les codes du cinéma horrifique asiatique (et notamment la J-Horror), et ne ressemblant qu’à eux-mêmes. En proposant sur sa plateforme de SVOD dédiée à l’horreur La Reine de la Magie Noire, Insomnia nous aspire dans les viscères purulentes de l’horreur made in Indonesia.
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C’est à Kimo Stamboel, cinéaste javanais habitué au genre (il fut la moitié de The Mo Brothers, duo de réalisateurs rompus au cinéma d’horreur) que l’on doit La Reine de la Magie Noire, remake autant que relecture d’un classique du cinéma d’épouvante indonésien sorti en 1979. Car si le film de Stamboel conserve les traces sédimentaires de sa gestation sous influence – il est question, comme dans le film original, de la vengeance d’une femme utilisant la magie noire pour retourner à ses persécuteurs les sévices qu’elle a autrefois enduré – c’est pour mieux en redéfinir le cadre. Plus qu’un remake, La Reine de la Magie Noire version 2019 dépoussière avec brio le classique de 1979 pour en actualiser les enjeux.
Les amateurs de films d’horreur ne devraient pas être dépaysés par la mise en place de ce récit qui en convoque d’autres : un père de famille se rend avec sa femme et ses deux enfants dans l’orphelinat de campagne qui fut autrefois son foyer. Arrivé sur place, il retrouve ses anciens camarades, venus comme lui avec leur famille respective rendre hommage au fondateur de l’orphelinat, un vieil homme mourant, alité et incapable de communiquer. Mystérieusement dépeuplé de ses résidents, l’orphelinat, on le comprend vite, recèle d’innombrables secrets, et les retrouvailles heureuses entre anciens orphelins vont vite tourner au cauchemar éveillé à la terminaison sanguinolente.
Jonglant habilement avec les différents registres de l’épouvante – de l’horreur atmosphérique (avec la longue installation de l’ambiance et la mise en place d’indices ténus comme un jeu de piste adressé aux spectateur.ices) aux surgissements dosés en hémoglobine de scènes gores paroxystiques – Kimo Stamboel déroule le fil de son récit sinueux en empruntant sa structure à quelques chefs d’œuvre de la J-Horror (le cinéma d’horreur japonais). Comme dans les films de Hideo Nakata (Ring, Dark Water) ou de Takashi Shimizu (la série des Ju-On) il est question dans La Reine de la Magie Noire d’un mal originel refoulé, d’une expérience traumatique fondatrice (un crime impuni, une mort violente, des sévices cruels tenus secrets…) dont l’irrésolution s’organise en rites macabres ou bien en apparitions fantomatiques, infestant le récit par strates successives.
Dans une scène, au mitan du film, qui ne fait pas mystère de ses influences, Stamboel cite avec malice et déférence la séquence mythique du jaillissement de la télévision de Sadako dans Ring en la recréant par un subtil jeu de miroir, de cassettes VHS qui s’enraye, et d’une présence tapie dans l’ombre, prête à surgir, non plus de l’écran lui-même, mais d’un reflet dans l’écran. Cette scène clé (sans doute la plus terrorisante du film) livre aussi l’intention infuse du film : faire communiquer deux époques, celle du trauma fondateur, quand les orphelins étaient encore des enfants et ont assisté au martyr d’une de leur camarade, et le présent, en proie aux maléfices vengeurs de la victime, devenue adepte de la magie noire…
En plus de ces influences souveraines, La Reine de la Magie Noire parvient à trouver sa voie propre, notamment au gré de trouvailles horrifiques qu’apprécieront les amateurs d’horreur grand-guignolesque. Une tête décapitée qui se jette sur d’infortunées victimes, des globes oculaires qui jaillissent de leur cavités, ou encore des alvéoles purulentes qui infestent la peau d’envoûtés involontaires… Kimo Stamboel déploie tout l’éventail du cinéma gore pour transmuter un récit ténébreux d’abord longuement atmosphérique et crispant en un festival d’horreur foraine bizarrement jubilatoire. Peut-être aurions-nous nous aussi été envoûtés par la Reine de la Magie Noire ?
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