Les tribulations de deux gentils branquignols qui volent le cercueil où gît Charlie Chaplin. Une comédie tendre et cocasse, par l’auteur des Hommes et des dieux.
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Charlie Chaplin est mort le jour de Noël de l’an 1977 dans la commune suisse de Vevey où il résidait depuis vingt-cinq ans avec sa nombreuse descendance et son épouse Oona (la fille du grand dramaturge américain Eugène O’Neill), au bord du lac Léman. Le 1er mars suivant, son cercueil était exhumé et kidnappé. Les “fossoyeurs” demandaient une rançon.
C’est de ce fait divers réel que s’inspire très librement, avec drôlerie et tendresse, La Rançon de la gloire, le nouveau film de Xavier Beauvois. Le succès des Hommes et des dieux semble lui avoir donné des ailes, puisqu’il vient ici marcher sur des sentiers qu’il n’avait pas battus auparavant. Car la réussite du film, sa grâce (oui), tiennent à l’idée de transformer ce fait divers glauque (même s’il s’est bien terminé) en conte de Noël – la musique symphonique et très présente de Michel Legrand nous l’indique dès ses premiers accords.
Les deux kidnappeurs sont des “charlots” (comme le dira un avocat lors du procès), des bras cassés sympathiques, migrants (l’un algérien, l’autre belge), des tocards comme on en trouve dans les comédies italiennes, qui veulent se sortir de leur misère et s’y prennent comme des manches (de pelle et de pioche).
Osman est employé communal dans une petite ville du bord du lac, vit dans une baraque (semblable à celle de Paulette Goddard et Chaplin dans Les Temps modernes ou au chalet de La Ruée vers l’or) avec sa fille Samira et il a besoin d’argent pour payer l’hospitalisation de son épouse, Noor.
Au moment où le film commence, Eddy, homme amoureux de littérature et boit-sans-soif, qui “vit” de menus larcins, sort de prison. Entre eux, c’est à la vie à la mort. Alors Osman recueille Eddy chez lui, malgré la désapprobation première de Samira, sous le prétexte qu’il pourra aider Samira à s’améliorer en français. Ces deux personnages sont interprétés par Roschdy Zem et Benoît Poelvoorde, le premier dans le rôle du clown blanc (le sérieux), l’autre dans celui de l’auguste (le drôle). En attendant, c’est le soir de Noël
dans la baraque d’Osman, Eddy a “acheté” une télévision et l’on y annonce la mort de Chaplin, dans son immense villa, à quelques kilomètres de là… Une idée bien bête va germer dans le cerveau d’Eddy…
Téléphoné, tout cela ? Un petit peu, sur le papier. Seulement, la mise en scène de Xavier Beauvois nous prend par la main et ne nous lâche pas du début à la fin du film, afin de suivre avec lui les mésaventures de ses deux clowns lacustres. Torché par un faiseur comme on en trouve beaucoup dans le cinéma français dit comique, cela donnerait le prochain film de Dany Boon et des millions de spectateurs dans les salles. Mais Beauvois a une morale du regard, et ça se voit. Son but n’est pas de nous faire rire à tout prix comme des baleines stupides – même si le film est souvent très drôle.
La Rançon de la gloire ne tombe jamais dans la vulgarité cinématographique (l’hyperdécoupage, le gag facile, démagogique et lourd), il tire constamment le spectateur vers le haut, sous le patronage (modeste) du grand Chaplin, sans chercher à tout prix l’exploit ou la perfection.
Un regard de metteur en scène moral, c’est par exemple filmer longuement, sans coupure, deux comédiens en train d’enterrer un cercueil dans un champ de maïs pour le planquer, c’est montrer l’effort, la fatigue, les glissades, les problèmes, le travail que cela représente, les crispations, les engueulades et la culpabilité des personnages, et le comique et donc l’humanité qui s’en dégagent heureusement. C’est dans la longueur du plan ou de la scène, comme chez Lubitsch souvent, que Beauvois va extraire un rire respectueux, fraternel.
On reconnaît aussi son style à cette manière de respecter les personnages de “méchants” (celui, à la Hergé, du maître d’hôtel de la famille Chaplin, interprété merveilleusement par Peter Coyote), de leur donner leur chance, d’essayer de les comprendre et de les présenter sous leur plus beau visage (les Chaplin, dans le film, voient cet événement comme un nouvel épisode rocambolesque de la vie de Charlot et Peter Coyote dit, quand on retrouve
la bière : “Monsieur est de retour…”).
Comme nous sommes dans une comédie et dans un conte de fées, tout est bien qui finira bien, et Eddy-Poelvoorde, grâce à une jolie cavalière de cirque (la solaire Chiara Mastroianni), trouvera d’autres raisons
de vivre. Avec ce film tendre et drôle, 2015 commence bien.
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