Dès les premières séquences, David Mamet réussit à créer une atmosphère vaguement étrange, suscitant la mise en éveil du spectateur par de subtils décalages. La situation de départ est pourtant des plus banales : une société cherche à vendre son nouveau brevet. Sont présents à la table des négociations Joe Ross (Campbell Scott, idéal benêt […]
Dès les premières séquences, David Mamet réussit à créer une atmosphère vaguement étrange, suscitant la mise en éveil du spectateur par de subtils décalages. La situation de départ est pourtant des plus banales : une société cherche à vendre son nouveau brevet. Sont présents à la table des négociations Joe Ross (Campbell Scott, idéal benêt tête à claques), employé modèle et inventeur du brevet, l’avocat de la société, le Pdg (Ben Gazzara, toujours aussi élégamment opaque) et leurs clients. Premier décalage : voir évoluer ces hommes d’affaires en complet veston dans le cadre d’une île tropicale filmée en couleurs vives comme une carte postale. Ensuite, il y a la présence d’une secrétaire qui n’arrête pas de fourrer son nez partout. Plus tard dans la soirée, quand Joe Ross croise un agent du FBI, on ne sait si c’est du lard espionnage ou du cochon grosse farce. Mécontent d’être tenu à l’écart des secrets financiers du deal par ses patrons, Joe Ross fait également la connaissance d’un richissime et mystérieux homme d’affaires (Steve Martin, parfait à contre-emploi) qui lui donne rendez-vous à New York la semaine suivante.
New York, la ville où démarre La Mort aux trousses, ce qui tombe bien. En effet, David Mamet reprend ici le classique dispositif hitchcockien consistant à jeter un citoyen ordinaire au milieu d’aventures plus grandes que lui. Soit, pour dire la même chose de façon plus cinéphile, en plongeant un spectateur lambda dans une de ces intrigues policières dont il se délecte d’habitude sur un écran, le forçant ainsi à se muer en acteur/metteur en scène de ses propres aventures afin de sauver sa peau.
Mais Mamet est un manipulateur de l’âge postmoderne un peu Hitchcock + Brecht , c’est-à-dire qu’il met au point un spectacle policier assez prenant mais le déjoue souvent en plaçant des personnages qui sont autant de critiques introduisant une notion de recul (la secrétaire, notamment), et en faisant de chaque étape du dénouement de l’intrigue un dévoilement de faux-semblants. On regrettera simplement que la science manipulatrice de Mamet soit plutôt d’ordre scénaristique que cinématographique. Et, in fine, le spectateur se sent légèrement floué quand après une heure de spectacle plaisant, Mamet lui fait bien comprendre dans les séquences finales que tout ça n’était que du cinéma : le spectateur le sait pertinemment mais a quand même toujours besoin de sa dose régulière de « suspension of disbelief ».
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