La question religieuse (Silence, L’Apparition…), le groupe thérapeutique (La fête est finie, le prochain Gus Van Sant…), tels sont les deux thématiques qui reviennent fort ces derniers temps et que prend en écharpe ce nouveau Cédric Kahn.
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Atteint de problèmes de dépendance à la drogue, le jeune Thomas intègre une communauté isolée dans la montagne où divers exclus de la société se soignent par la solidarité, le travail quotidien et… la prière. Inspiré d’institutions réelles, ce lieu tient à la fois du monastère, de la maison de redressement (mais relativement à la coule) et du centre de convalescence. Il est régi par un ensemble de règles strictes, mais aussi par des valeurs d’entraide, d’écoute, et un certain degré de liberté (on peut quitter le centre quand on le désire) qui doivent aboutir à la reconstruction des individus.
La dimension âpre, rugueuse, physique du style de Cédric kahn
La matière peut sembler austère, mais par sa mise en scène, Kahn en fait une aventure palpitante, un récit qui recèle ses multiples tensions, incertitudes et suspenses (sur la guérison, la croyance religieuse, l’effet de la prière…) et aboutit dans ses derniers instants à des sommets d’émotion. Le cinéaste tire d’abord partie des lieux majestueux où il a situé son histoire et magnifie la montagne, l’espace, la lumière, le silence, comme dans les grands westerns.
Ensuite, il s’en remet à ce qui a toujours fait sa force et sa marque, soit la dimension âpre, rugueuse, physique de son style. Plus qu’une méditation monacale, La Prière est un film d’action où la dépense physique est récurrente, que ce soit à travers les crises de Thomas ou les travaux quotidiens. Dans une scène, les pensionnaires doivent creuser un grand trou dans un champ, puis le reboucher : l’effort physique est le but en soi, l’un des outils de la thérapie, comme si l’épuisement des corps était corrélé au travail de l’esprit pendant les prières, dans un même effort de purification et de transcendance.
Troisième élément notable, les acteurs. Revenant aux origines de son cinéma (Bar des rails, Trop de bonheur, Roberto Succo…), Kahn a réuni ici un groupe d’acteurs débutants ou encore tout neufs (à l’exception de l’excellent Alex Brendemühl) qui confère une puissante fraîcheur virginale au film, en tête duquel rayonne le formidable Anthony Bajon, petite boule de nerfs qui se transforme tout au long du récit et a bien mérité son prix d’interprétation à la Berlinale.
Plus social et concret que métaphysique
Dans la dernière partie du film surviennent d’autres éléments (la présence d’une jeune fille, une guérison du genou qui flirte avec le miracle…), tandis que Thomas semble de plus en plus perméable aux effets apaisants de la prière quant il était rétif au début. Entre le charnel et le spirituel, le temporel et l’éternel, le profane et le sacré, saura-t-il trouver sa voie/voix ?
Athée lui-même mais fervent croyant dans le cinéma, Cédric Kahn filme son personnage et cette communauté sans surplomb ni angélisme, avec ouverture d’esprit et respect, témoignant d’une empathie qui ne glisse jamais dans le sermon ou la sucrerie. Plus social et concret que métaphysique, La Prière trace un parcours exigeant, escarpé vers la lumière.
La Prière de Cédric Kahn, avec Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl (Fr., 2018, 1 h 47)
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