Houellebecq porte lui-même à l’écran son dernier roman. Entre naïveté et emphase, série Z et lyrisme abstrait, le film est plutôt touchant.
On l’attendait avec curiosité, la voici donc, l’adaptation par Michel Houellebecq de son dernier roman paru à ce jour. Alors ? Les connaisseurs remarqueront d’abord que l’écrivain ne garde de son livre qu’une toute petite partie : le film raconte une histoire de clones, ou plutôt de la descendance d’un clone (interprété par un Magimel aussi démultiplié que monolithique) et du dernier d’entre eux, qui vit dans une sorte de blockhaus qui ressemble aux maisons de La Planète des singes. Dans cet antre, on trouve même, semble-t-il, des éclairages qui rappellent ces petits luminaires psychédéliques très 70’s qui projetaient des taches d’huile baladeuses sur un mur – attraction des boîtes de nuit à peau de mouton retournée.
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A vrai dire, on ne comprend pas grand-chose, mais c’est souvent assez beau, anachronique et surtout étonnamment sérieux, triste, presque froid. Houellebecq, qui n’en est pas tout à fait à son galop d’essai en matière de cinéma (il a déjà réalisé quelques courts métrages et a fait dans son jeune temps l’école Louis-Lumière), semble pourtant balbutier le cinéma, en découvrir le vocabulaire de base, pour ne pas dire les poncifs – notamment lorsqu’il file le son d’un plan à l’autre pour créer une continuité. Le film est parfois mis en scène avec la naïveté et l’émoi touchant d’un apprenti conducteur qui réussirait pour la première fois un créneau. Esthétiquement, c’est assez varié et évolutif. Au début, ça ressemble à un film de Mocky, et on craint un peu le pire. Non parce qu’on n’aimerait pas Mocky, mais parce que la verve anarchisante/sarcastique/Michel Audiard de Houellebecq n’est pas notre préférée. Heureusement, on s’enchante très vite quand le film vire peu à peu au film de série Z des années 60, tendance Mario Bava, avec moins de sexe, moins d’humour, plus de solennité, ce qui surprend aussi. Et peu à peu, Houellebecq semble trouver sa vraie voie, qui est au fond celle d’un peintre paysager romantique.
On connaissait ses photos, très belles, de Lanzarote par exemple. Là, il filme les reflets dans l’eau, les concrétions géologiques, les reliefs abrupts, les plis de roches, et c’est très beau, déroutant, plein de doute et de sensibilité – rien à voir avec Audiard. De plus en plus volcanique et muet, le film se termine par une sorte d’ode à la Terre, sur fond de promenade écologique tendance Arthus-Bertrand avec un aspect pasolinien serein mais flagrant. Dans ce film qui tend progressivement vers l’abstraction puis le mythe, le dernier homme cherche la dernière femme. C’est le côté un peu grand sujet du film. Se rencontreront-ils pour procréer et faire renaître l’espèce humaine ? C’est une possibilité, mais ce n’est aussi qu’une possibilité. Comme le film : incertain.
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