Cimino met en scène sa version masochiste de Naissance d’une nation : l’histoire d’un pays bâti sur des ethnocides.
En 1978, fort du succès de Voyage au bout de l’enfer, Michael Cimino peut enfin tourner sa propre version d’une page de la naissance des Etats-Unis, bâtis non seulement sur le génocide du peuple indien mais aussi sur les persécutions de la seconde génération d’émigrés pauvres venus d’Europe centrale. Cimino s’inspire de la guerre civile qui éclata en 1890 dans le comté de Johnson, Wyoming, et qui aboutit au massacre de populations civiles par des milices payées par les capitalistes et les gros propriétaires de la région. A la tête d’un budget colossal, à la hauteur de ses ambitions d’artiste mégalomane, Cimino aborde un sujet brûlant et ne renonce en rien à ses audaces narratives et à son lyrisme, entre Ford et Visconti. Il radicalise la construction de son précédent chef-d’œuvre, et met en scène une fresque composée de trois parties inégales, blocs de temps qui confèrent à l’œuvre un rythme musical, une structure proche de l’opéra. La longueur du film (trois heures trente dans la version longue, diffusée ce soir) est légitimée par la densité romanesque et historique du film, mais aussi par sa structure qui étire les scènes de groupe, comme le bal de la remise des diplômes d’Harvard en 1870, et celui sur patins à roulettes des fermiers vingt ans plus tard. Cimino ne livre aucune explication psychologique. Il laisse volontairement planer une certaine ambiguïté sur le comportement et les sentiments contradictoires de ses personnages principaux, un trio amoureux formé par un riche intellectuel prenant parti pour les émigrés, une prostituée française et un tueur. Ce film sur la fin de l’idéalisme marqua aussi la fin du cinéma d’auteur américain à grand spectacle.
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