Réédité en salles une semaine après la sortie de son “remake”, La Poison doit-il être accueilli comme l’antidote ? C’est un des films les plus sombres de Guitry, qui inaugure une série de comédies judiciaires et immorales d’une grande noirceur (La Vie d’un honnête homme, Assassins et Voleurs, Les Trois font la paire), dans lesquelles […]
Réédité en salles une semaine après la sortie de son « remake », La Poison doit-il être accueilli comme l’antidote ? C’est un des films les plus sombres de Guitry, qui inaugure une série de comédies judiciaires et immorales d’une grande noirceur (La Vie d’un honnête homme, Assassins et Voleurs, Les Trois font la paire), dans lesquelles le cinéaste dresse un portrait sans concession et peu flatteur de la société française. Dans La Poison, Guitry règle ses comptes avec une France veule, impatiente de tourner la page la moins glorieuse de son histoire. L’épisode annexe au cours duquel le curé du village est scandalisé par la visite d’un groupe de commerçants qui souhaite organiser un faux miracle autour d’une enfant attardée à des fins publicitaires est révélateur de cette démarche vacharde et terriblement lucide. Dans le générique parlé, superbe invention de Guitry qui présente à la caméra chaque membre de l’équipe artistique et technique, le cinéaste ne manque pas de préciser que le décor de la prison « a été fait selon mes indications… et je vous jure qu’il est exact », allusion à l’emprisonnement dont il fut victime à la Libération. Mais La Poison marque surtout la rencontre miraculeuse entre Guitry et Michel Simon, qui donne sa plus géniale interprétation depuis les chefs-d’œuvre de Vigo et Renoir. C’est la première fois que l’auteur délègue le rôle principal de ses films à un autre que lui, et il choisit précisément le seul comédien capable de le surpasser en monstruosité et en virtuosité. Michel Simon est Paul Braconnier, un horticulteur qui ne supporte plus son épouse, une horrible mégère. L’interview radiophonique d’un célèbre avocat va lui suggérer la meilleure solution pour mettre un terme à son enfer conjugal : le meurtre, à ne surtout pas confondre avec l’assassinat ! Satire des médias, de la justice spectacle, invention folle des dialogues et des situations, faux théâtre et vrai cinéma : que faut-il de plus pour que la stupéfiante modernité de Guitry éclate enfin ?
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