Entre une humanité génocidaire et des singes luttant pour leur survie, l’ultime bataille est engagée. Un film sépulcral et une réflexion puissante.
Avec ce troisième épisode, La Planète des singes s’affirme, haut la main, comme la meilleure franchise américaine des années 2010 – la concurrence n’étant certes pas folle. Le film parvient même, a posteriori, à effacer la déception du second opus, en offrant une nouvelle perspective au personnage de Koba : ce singe enragé qui, contrairement à César, ne croyait pas en une cohabitation possible avec les humains et s’en trouvait sacrifié, se voit rétrospectivement donner raison.
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Non, il n’y a pas de place sur Terre pour deux espèces dominantes. Et le pacifiste César, régulièrement hanté par sa nemesis shakespearienne, va l’apprendre à ses dépens. Après qu’un premier commando d’humains a tenté de détruire son quartier général, dans une scène d’ouverture magistrale, un second assassine sa femme et son fils. A son tour enragé, le chef de la nation simiesque chercher alors à se venger, prenant avec lui ses plus fidèles lieutenants, tandis que le reste de ses congénères s’en va, tel le peuple hébreu sans son Moïse, trouver refuge ailleurs.
Western sépulcral
La première moitié du film, disons-le d’emblée, est un chef-d’œuvre, un western sépulcral évoquant autant certains classiques des seventies (Josey Wales hors-la-loi, Jeremiah Johnson) que le plus récent Logan (d’ailleurs également produit par la Fox). On y suit à peu près le même attelage, composé d’un héros fort et poilu (César, toujours interprété par le vétéran de la performance capture Andy Serkis), d’un sage (Maurice, l’orang-outan qui s’exprime en langage des signes), d’un cacochyme (le magnifique Bad Ape, sorte de Gollum bienveillant joué par Steve Zahn), et d’une enfant, humaine et muette (on comprendra plus tard pourquoi).
Matt Reeves, dont le talent de metteur en scène ne cesse de progresser, excelle à rendre la magnificence des paysages nord-californiens, traversés par les créatures numériques les plus belles que la technologie puisse aujourd’hui offrir.
Après une heure de ce roboratif régime, s’engage une seconde partie, un peu moins réussie formellement et néanmoins passionnante dans ses perspectives philosophiques. Le film de prisonniers de guerre (type Pont de la rivière Kwaï ou Rambo 2) en devient l’horizon, et Matt Reeves y dresse le portrait d’une humanité monstrueuse – quand les supposés monstres, eux, ne cessent de révéler leur “humanité” –, en phase terminale de fascisation sous la coupe d’un petit colonel Kurtz, joué par l’adorable cabotin Woody Harrelson – “Ape-pocalypse Now” peut-on lire sur les murs d’un tunnel, au cas où la référence n’aurait pas été comprise.
Rien à sauver
Il n’y a rien à sauver de cette espèce-là, cruelle avec les siens et sans pitié pour ce qui diffère d’elle. Et c’est toute la force du cinéaste que de convoquer la mémoire des pires méfaits de l’humanité – guerres civiles, génocide des Indiens d’Amérique (“un bon singe est un singe mort”), colonisation (grande idée que celle des singes-Harki), eugénisme – pour soutenir la noirceur de son propos, rejoignant celle du roman originel de Pierre Boulle et de son adaptation par Franklin J. Schaffner en 1968.
La Planète des singes – Suprématie de Matt Reeves (E.-U., 2017, 2 h 20)
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