Buñuel dévoie un film d’aventures conventionnel en réflexion sur la nature humaine perdue en forêt équatoriale.
Ce qui fonctionne toujours à la perfection chez Buñuel, c’est son génie à mener le spectateur par le bout du nez, même dans les situations les plus invraisemblables. Où vas-tu ? « Laissez-moi faire », répond-il goguenard, tel un Jacques le Fataliste à son maître. Les ficelles-selles de cheval sont grosses ? Hue coco, avance ! Buñuel sait tenir la carotte sous le nez du spectateur. La carotte, ici, c’est Simone Signoret, une version Arletty de Romy Schneider, qu’il traîne en forêt amazonienne dans un improbable film d’aventures. Nous sommes en 1956. Pendant que Vadim invente la femme sous les traits de Brigitte Bardot, Buñuel, lui, attend de pouvoir se consacrer au film français qui lui tient vraiment à cœur, son adaptation de La Femme et le Pantin, qui n’aboutira que vingt ans plus tard. Pour patienter, il monte cette Mort en ce jardin sans trop y croire. Après un imbroglio d’une bonne heure qui patauge dans la mangrove, il se lâche enfin et précipite la pute, le prêtre, le repris de justice, le chercheur de diamants et sa fille sourde-muette dans la forêt équatoriale avec la police aux trousses. L’improbable club des cinq se décompose, s’entredéchire, perd tous ses repères. Le grumeleux épisode de Zorro bascule alors vers la méditation fofolle sur le sens de la vie. « La nature n’agit pas selon les lois humaines : elle est aveugle », expliquera-t-il. Par un miracle bunuélien, les désespérés découvrent les décombres d’un avion écrasé et un véritable trésor : tenues de soirées, caisses de champagne, bijoux… La forêt infernale peut se transformer en salon mondain. Encore une tangente ? Le miracle aura-
t-il lieu ? Mais où vas-tu ? « Laissez-moi faire. »
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