En 1970, à Pékin, une gamine fait les 400 coups en pleine Révolution culturelle. Léger et rafraîchissant. La Môme singe est un film très séduisant parce que son héroïne est absolument irrésistible. C’est aussi simple que cela. La petite Shi-Wei ne ressemble pas du tout à un chimpanzé comme le titre pourrait le laisser […]
En 1970, à Pékin, une gamine fait les 400 coups en pleine Révolution culturelle. Léger et rafraîchissant.
La Môme singe est un film très séduisant parce que son héroïne est absolument irrésistible. C’est aussi simple que cela. La petite Shi-Wei ne ressemble pas du tout à un chimpanzé comme le titre pourrait le laisser supposer mais est au contraire incarnée par une gamine à la cinégénie miraculeuse. Une bouille toute ronde, de grands yeux ouverts sur le monde, deux couettes touffues, et une précieuse vitalité. De tous les plans, ce double de la réalisatrice (qui reconnaît que son film est en grande partie autobiographique) rend par sa simple présence chacune des scènes passionnante. Evidemment, dans un tel cas de figure, il y a un risque à ce que la cinéaste, captivée par son beau sujet, baisse la garde sur la mise en scène. Xiao-Yen Wang tombe parfois dans ce piège : ainsi le ralenti lorsque la fillette entraîne avec grâce ses copines dans une chorégraphie improvisée. Mais à sa décharge, elle ne joue jamais la carte du pathos. Et pourtant, le sujet s’y prêtait puisque Shi-Wei ne grandit pas n’importe où, mais à Pékin, en 1970, à savoir en pleine Révolution culturelle. Un carton au générique nous apprend même que ses parents et son frère aîné, des « intellectuels », ont été envoyés dans les camps de redressement à la campagne pour recevoir « l’enseignement des paysans ». C’est dire si la fillette n’est pas censée rire tous les jours.
On connaît des réalisateurs qui ne nous auraient rien épargné des peines de Shi-Wei. La très bonne idée de Xiao-Yen Wang est au contraire d’avoir choisi de montrer que l’enfance est l’enfance, partout dans le monde, avec son lot de petits malheurs et de grosses rigolades. Les références aux circonstances politiques sont donc plus allusives que surlignées. Et d’ailleurs, rien ne dit que cette version-là n’est pas la meilleure façon de faire ressentir la pression que le régime communiste exerçait à l’époque sur l’éducation. Il suffit de voir toute une classe ouvrir comme un seul homme le Petit livre rouge ou exécuter sans enthousiasme la « danse de loyauté au président Mao » pour imaginer de quoi il en retourne. Alors qu’en Occident, l’autonomie des petits passe souvent par la défiance à l’égard des parents (voir Les 400 coups, et avatars), ici, c’est avec la complicité de sa mère entre deux séjours en camp que la môme apprend à résister au système politique. Une résistance physique (vêtements et coiffure à sa discrétion dans le cadre de la maison contre uniforme obligatoire à l’extérieur), mais surtout intellectuelle. Un tourne-disques ramené par la mère en toute clandestinité permettra de découvrir la Carmen de Bizet, qui deviendra l’emblème révélateur de la séduction féminine. On en passe et des plus savoureuses puisqu’on l’aura compris, Shi-Wei est une coquine. Qu’il s’agisse de sauter avec une ombrelle du haut d’une armoire, de casser la gueule à un chef de bande rivale, ou de voler des kakis séchés à l’étalage, c’est Zéro de conduite, et c’est très bien comme ça.
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