Assez étrangement, le monde de la mode, visuel par nature, n’a pas considérablement été représenté au cinéma. A l’occasion de la sortie de « Zoolander 2 », voici un petit panorama des quelques films (parfois de grands films) en rapport avec le monde souvent cruel du vêtement de luxe et de la beauté.
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Falbalas de Jacques Becker (1945) avec Micheline Presle et Raymond Rouleau
Jean Paul Gaultier a souvent dit que la vision de ce film avec sa grand-mère lui avait donné envie de devenir couturier. Falbalas est par ailleurs l’un des plus beaux films de Becker, un mélodrame poignant où le couturier est représenté comme un démiurge victime de son ubris. En proie à des pulsions profondément mortifère, il tombe amoureux d’une jeune femme parce qu’elle ressemble au mannequin de cire sur lequel il façonne ses robes. Pygmalion devient fou et n’étreint in fine qu’un fantôme de chiffon.
Funny face (Drôle de frimousse) de Stanley Donen (1957) avec Audrey Hepburn et Fred Astaire
Une jolie vendeuse de livres (Audrey Hepburn, muse d’Hubert de Givenchy) devient une icône de la mode grâce à un photographe (Fred Astaire). L’un des chefs d’œuvre de Stanley Donen, l’un des grands maîtres de la comédie musicale. Paris y est représenté comme la Capitale de la mode, avec shootings sur le pont Alexandre III, défilés à la chaîne, randonnée dans les boutiques de luxe. Mais aussi comme la capitale des Idées. Avec une satire assez irrésistible de la Rive Gauche fifties, avec un faux Sartre en gourou érotomane, et des parties dans des caves, ou des moustachus mal peignés fument la pipe en écoutant du jazz et refaisant le monde
La femme modèle de Vincente Minnelli (1957) avec Lauren Bacall et Gregory Peck
L’histoire du petit oiseau et du petit poisson qui s’aiment d’un amour tendre mais ne partagent pas la même passion : elle est journaliste de mode, il est journaliste de sport. Pourtant c’est grâce à l’alliance qu’ils arriveront à contrecarrer les plans d’une bande de gangsters spécialisés dans les paris truqués. L’univers de la mode est présenté comme vaniteux et frivole. Mais c’est finalement les gens de la mode qui vont sauver la mise aux sportifs, en dégommant tous les truands à coup d’entrechats.
Qui êtes-vous, Polly Magoo de William Klein (1966) avec Dorothy McGowan et Sami Frey
Le swinging Paris filmé par le grand photographe William Klein, où l’histoire d’amour entre une top modèle et un prince d’opérette. Un sommet de psychédélisme chic, avec un casting invraisemblable où se croisent Noiret, Rochefort, Delphine Seyrig, Arrabal et toute la faune fashion de l’époque
Prêt-à-porter de Robert Altman (1994) avec Marcello Mastroianni, Sophia Loren, Kim Bassinger, Jean-Pierre Cassel, etc.
Encore une distribution délirante (que des stars et des caméos) pour un film à cent à l’heure dans les défilés de mode parisiens. Beaucoup de géants de la mode jouent le jeu (Gaultier, Sonya Rykiel, Lacroix, Mugler). Les supermodels nineties défilent dans leur propre rôle (Naomi, Linda, Claudia, Carla…). Et des monuments de l’histoire du cinéma font les clowns dans des sketchs moyennement inspirés (Sophia Loren, Marcello Mastroianni, Anouk Aimé, Lauren Baccal, Julia Roberts, Kim Basinger…). Pas le meilleur Altman.
Absolutely fabulous, série (entre 1992 et 2004) de et avec Jennifer Saunders et Dawn French.
Les modeuses folles seront bientot de retour dans une adaptation ciné de la série à sortir en 2016. Jennifer Saunders et Joanna Lumley reprendront leur rôle, mais seront entourées de quelques recrues de prestige : Cara Delavingne, Rebel Wilson, Kim Kardashian. Certes, il existe déjà un film, adaptation française de la série, réalisé en 2001 par Gabriel Aghion avec Nathalie Baye et Josiane Balasko… Mais rien ne vaut la série, délirante, trash (ça picole, consomme des drogues à tout va), désopilante.
Zoolander (2001) et Zoolander 2 (2016) de Ben Stiller avec lui-même et Owen Wilson
A quinze ans d’intervalle, les tribulations de deux icônes rivales de la mode bling-bling du début des années 2000, le brun (Stiller) et le blond (Wilson) face à leur ennemi juré, Will Ferrell, alias Jacobin Mugatu , alias Jacob Moogberg, alias Little Cletus. En mannequins décérébrés, les deux comédiens se moquent à la fois de la mode et d’eux-mêmes, dans une maelstrom parodique carnavalesque, attrapant dans ses rêts les caméos les plus prestigieux (d’Anna Wintour à David Bowie, et même dans le second Justin Bieber!).
Le diable s’habille en Prada de David Frankel (2006) avec Meryl Streep et Anne Hathaway
Tiré d’un best-seller écrit par une ancienne assistante de la célèbre Anna Wintour, papesse de Vogue Amérique et terrifiante arbitre des élégances, les mésaventures d’une jeune femme confrontée à une patronne tyrannique… Un rôle à oscar pour Meryl Streep servi sur un plateau (mais qui pourtant cette année là lui échappera).
Coco avant Chanel d’Anne Fontaine (2009) avec Audrey Tautou et Benoît Poelvoorde et Coco Chanel et Igor Stravinsky de Jan Kounen (2009) avec Anna Mouglalis et Mads Mikkelsen
2009 fut l’année Coco Chanel. Sur deux modes différents : Anne Fontaine filme la jeune Gabrielle avant le succès, Jan Kounen sa liaison avec Stravinsky au moment où il compose Le Sacre du printemps. Deux ans plutôt, dans un téléfilm, Shirley McLaine interprétait déjà le rôle de Melle Chanel dans un téléfilm européen.
https://www.youtube.com/watch?v=K9IT8sQQlIA
Saint Laurent de Bertrand Bonello (2014) avec Gaspar Ulliel et Jérémy Renier et Yves Saint Laurent de Jalil Lespert (2014) avec Pierre Niney et Guillaume Gallienne
2014 fut l’année Saint Laurent. Curieux que les deux plus grands mythes de la couture du XXeme siecle (Chanel, Saint-Laurent) aient tous les deux suscité deux biopics concomitants. Deux visions radicalement différentes du couturier le plus connu au monde. Plus sage et plan-plan chez Lespert (mais adoubée par Pierre Bergé, qui a confié le soin d’utiliser les créations originales à cette production), plus fantasmatique et inspirée chez Bonello. Le défilé de 1976, pour la collection d’inspiration russe, filmé en split-screen, et zébré de flashes sur toute la vie de son héros, de l’enfance à la vieillesse, est une déflagration de cinéma inouie, un des plus beaux hommages rendus à la mode par le cinéma.
Jean-Baptiste Morain
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