Dix photographes de l’agence Magnum évoquent l’influence du cinéma sur leur imaginaire.
« L’image d’après” – le titre de cette stimulante exposition – était le terme qu’employait Henri Cartier-Bresson pour définir le cinéma, qui serait toujours ce qui vient après : moins l’image vue que celle qui lui succède, prise dans le fameux défilement des 24 images par seconde. La photographie serait plutôt du régime du 1/24e de seconde : la réalité prélevée à un moment précis. Dix photographes de l’agence Magnum (qui fête ses soixante ans cette année) ont été invités à rendre compte des passages entre ces deux mondes, à montrer comment le cinéma – “le mensonge vingt-cinq fois par seconde”, selon Fassbinder – pouvait s’immiscer dans leur travail de captation du réel. Dix réponses personnelles, dix rapports uniques au cinéma, selon une scénographie soignée confrontant photos et films. Certains essais paraîtront faciles, comme les clichés de salles de cinéma d’Alec Soth sous influence Wim Wenders ou les portraits de rue stylisés de Bruce Gilden, échos de l’atmosphère expressionniste de films noirs comme La Soif du mal. Parfois, une idée simple et forte suffit : marqué par Paisà de Rossellini, Abbas fait de la révolution iranienne une fresque néoréaliste. Plus complexe, la passionnante installation de Donovan Wylie présente un couloir tout droit surgi du glaçant Elephant d’Alan Clarke, téléfilm à base de travellings et de meurtres sans sens. Sur les murs, Wylie expose une accumulation de documents liés au conflit d’Irlande du Nord, mélangeant intelligemment intime et politique, violence et banalité. Le coeur secret de l’expo est la touchante proposition de Mark Power. Convoquant L’Amateur de Kieslowski, Power livre un travail autobiographique mais délibérément flou. Au centre de l’installation, des extraits de films familiaux en super-8 projetés sur la surface liquide d’un bassin, qui se brouille entre chaque image. On pense au bac où la photographie se développe, à la révélation, à la chambre noire de la mémoire. Tous ces photographes ont ainsi le plaisir de mettre à mal les bases de leur métier : objectivité, instantanéité, unité d’action, de lieu et de temps. L’occasion rêvée de reconnaître leur besoin paradoxal mais vital de fiction, de romanesque dans leur approche de la réalité.
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