Un mélo classique par son sujet et moderne par son dispositif, qui révèle un vétéran du cinéma
nippon longtemps ignoré.
Dans les années 30, une jeune bonne assiste à la relation adultère, mesurée et discrète, de sa patronne avec un collègue de son époux… Vétéran du cinéma japonais qui a longtemps échappé aux radars car peu de ses films sont sortis en Occident, Yoji Yamada signe à plus de 80 ans une sorte de mélo parfait, à la fois classique et moderne, dans
la lignée de l’école intimiste d’Ozu et Naruse si l’on veut, ou de leur descendant Kore-eda.
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Classique : le récit d’un épisode amoureux d’autrefois, fondé sur le non-dit. Moderne : le déroulement de l’histoire, mise en abyme dans plusieurs strates temporelles. D’abord, le présent : la famille d’une vieille dame décédée rassemble ses biens. Ensuite, le passé proche : cette dame narre l’épisode amoureux à son petit neveu. Enfin, le passé lointain, les années 30 : moment où l’intrigue centrale se noue. Les séquences contemporaines encadrent et mettent en relief le passé en le distanciant. L’épisode est décliné en détail, sans effet ni ostentation, en mettant un accent chaleureux et familier sur le quotidien.
C’est un “journal d’une femme de chambre nipponne”, pour faire l’analogie avec le roman d’Octave Mirbeau mis en scène par Benoît Jacquot, qui sort
la même semaine mais qui, lui, se refuse à toute transgression. Ici, l’enjeu est plus enfoui. Il s’agit, en déroulant ces différentes strates, de faire apparaître un secret. C’est une plongée archéologique dans
une histoire d’amour oubliée et effacée par la Seconde Guerre mondiale, qui apparaît dans toute son étendue quatre-vingts ans plus tard. On est étonné de ne pas avoir eu accès pendant si longtemps à un cinéaste d’une telle force (si l’on se fie à ce film-ci), qui dramatise les relations humaines
avec une finesse et un tact déchirants. Superbe sens du détail. Complexité
des sentiments et intelligence de la forme qui s’allient idéalement.
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