Cheminements croisés de quelques personnages en déshérence sentimentale, autour d’une maison mise aux
enchères. Sensible.
Depuis le succès de Western en 97, Manuel Poirier continue de faire résonner discrètement sa petite musique cinématographique des sentiments (amoureux, amicaux, familiaux). Pourquoi le large public de Western s’est-il en partie évaporé avec les films suivants ? Pourquoi un cinéaste séduit-il une saison, puis moins les suivantes, alors que ses qualités demeurent ? Ces fluctuations insondables touchent de nombreux parcours artistiques, et c’est parfois dommage.
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La Maison raconte les cheminements croisés de quelques personnages en déshérence sentimentale, autour d’une maison mise aux enchères : deux sœurs, héritières de la propriété, dont l’une souhaite vendre alors que l’autre refuse de se séparer d’un bien lié à son enfance. Et deux hommes, l’un voulant acquérir La Maison, l’autre en instance de divorce et nouant une relation avec la sœur qui ne veut pas vendre. Simple objet matériel, La Maison cristallise les affects, parcours et personnalités des êtres : désir de bien-être, lieu de souvenir et de sentiments, l’enfance comme refuge ou comme prison…
Poirier demeure fidèle à son style, sa manière, que l’on pourrait situer quelque part entre Renoir et Cassavetes. D’abord à travers le souci de donner une chance à tous ses personnages, de présenter toutes les facettes des dilemmes existentiels ou moraux qu’ils traversent. Ensuite, dans sa façon d’étirer le temps des scènes, de laisser circuler l’air et le silence, de s’en remettre autant à l’intériorité de ses acteurs et personnages qu’aux dialogues (parfois maladroitement explicites, comme quand le personnage de Sergi López déclare que ses problèmes de couple viennent de problèmes d’enfance mal réglés), de faire entrer du jeu (au sens d’un boulon mal serré).
Le risque pour Manuel Poirier comme pour tout cinéaste ayant un univers très identifiable, c’est que son style apparaisse comme une griffe, un savoir-faire un peu répétitif, bref, que la “liberté” de son cinéma semble aussi calculée. Et c’est peut-être ce sentiment de “répétition”, ce manque de rupture ou de surprise qui a éloigné une partie des gens qui avaient aimé Western. Pourtant, il y a dans La Maison une attention aux êtres (et à une remarquable troupe d’acteurs, Sergi López et Bérénice Bejo en tête), à ce qui circule entre eux, au poids des lieux et du passé, une sensibilité modeste de cinéaste attentif qui méritent le détour.
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