Manon Décor et Michele Salimbeni signent, dans ce film, un portrait puissant et vif.
Adaptation de la nouvelle italienne du même nom de Giovanni Verga publiée en 1880, La Louve se niche ici au cœur d’un village sarde au début du XXe siècle. La louve est une femme surnommée ainsi à cause de ses mœurs légères et des relations qu’elle entretient avec les hommes du village : d’un regard intense, elle guette et saisit à la gorge de son amour charnel, pourtant guidé par quelque chose d’intimement minéral.
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De bout en bout, le film est ainsi prodigieusement aride. Plan en contre-plongée totale sur le soleil, les herbes grillées de la campagne, les pierres brûlantes des maisons. La Louve prend feu mais comme s’embraserait un pré usé par les rayons du jour : d’une chaleur vieillie. Péniblement calciné. Aussi, sous le soleil d’Italie, les ébats goûtent la mort. C’est la bizarrerie du film : d’être aussi volontairement rigoriste, ascétique, pour exprimer la pulsion du désir.
Soudain, des archives de l’institut Luce, vieilles de cent ans, s’introduisent dans le film. C’est comme si des archives de l’INA venaient s’immiscer dans une fiction, logo intact laissé dans le coin supérieur droit de l’écran. Le village sarde devient alors purement documentaire : les routes, les habitants, les processions, tout est désormais livré au champ du réel, à l’enregistrement d’époque. Jusqu’alors nourri de ses plans fixes et sans dialogue aucun, la forme picturale du dénuement prédomine. Aride et nu. Nu comme ses murs blancs, ses jupes immaculées, ses lames de couteau intactes. Nu et pourtant si peu chaste.
C’est le drame de la louve : de ne trouver que dans son désir, l’appel du gouffre. Suppliciée d’avoir aimé les hommes ? La Louve est une recherche de l’impur sous un grand ciel bleu. Rien à cacher à l’ombre des oliviers. Après les images documentaires, quelque chose change dans la mise en scène. Un lent mouvement de caméra vient alors clore le film, comme un dernier rayon de soleil posé sur les champs et le sang. Un rayon qui pourrait aussi bien être un laser ou un projecteur. Une source de lumière aveuglante et sacrificielle, celle qui met en plein jour la liberté empêchée des femmes.
La Louve de Manon Décor et Michele Salimbeni, avec Jessica Mazzoli, Pierre-Yves Massip et Carolina Vinci. En salle le 30 août 2023.
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