LA FRAGILE ARMADADOCUMENTAIRE DE JACQUES KÉBADIAN ET JOANI HOCQUENGHEMCinq semaines de marche zapatiste au Mexique en 2001 avec le sous-commandant Marcos et ses encagoulés sous la pluie. En 2001, l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) se lance dans une grande marche (appuyée par des cars), depuis le Chiapas jusqu’à Mexico, pour demander l’application des accords […]
LA FRAGILE ARMADA
DOCUMENTAIRE DE JACQUES KÉBADIAN ET JOANI HOCQUENGHEM
Cinq semaines de marche zapatiste au Mexique en 2001 avec le sous-commandant Marcos et ses encagoulés sous la pluie.
En 2001, l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) se lance dans une grande marche (appuyée par des cars), depuis le Chiapas jusqu’à Mexico, pour demander l’application des accords sur les droits des peuples indiens. Un « zapatour » (selon les marcheurs eux-mêmes) qui se finit chaque soir par un discours du sous-commandant Marcos : attaques en règle du président mexicain Vicente Fox, devenu dans les mots du Sub « le sieur à la grande bouche et à l’ouïe faible » ; une leçon d’histoire révolutionnaire à un gouverneur hostile aux zapatistes ; un hommage à la culture indienne ; des blagues sur les foules s’imposant d’écouter « une bande d’encagoulés sous la pluie »…
Ces fragments de discours de Marcos constituent les plus beaux et les plus forts moments du film de Jacques Kébadian, documentariste, et de Joani Hocquenghem, écrivain. Pendant cinq semaines, la caméra suit les pas d’un jeune étudiant vendant son journal à la criée et commentant chaque nouveau rassemblement, ceux d’un père de famille et de sa fille lisant tour à tour les comptes rendus du quotidien La Jornada, et ceux de la vieille paysanne Yolanda, auteur de discours poignants. Tout un monde en pleine expérience, que l’on sent nouvelle et fragile, de fierté politique et de collectif célébré, réclamant « tout pour tous et rien pour nous ».
Refusant didactisme et récit héroïque, la caméra s’attarde sur les petits à-côtés de la caravane, une apparition de manifestants anti-EZLN sur un toit, un orchestre zapatiste cagoulé au micro et au synthé, un trio de danseurs en passe-montagne. Et filme toujours de loin, depuis le public, à une distance parfaite, Marcos, reconnaissable entre tous avec sa pipe, son téléphone GSM, sa gourde et son collier.
Rarement dirigeant politique aura été aussi littéralement le personnage d’un film : une image, toujours rejouée par son créateur, avec un humour pince-sans-rire et une troublante détermination, qui pousse l’intelligence jusqu’à partager avec ses militants les intentions de sa performance : « Marcos n’existe pas. Il n’est pas. C’est une ombre, c’est le cadre d’une fenêtre, une fenêtre dont nous voudrions qu’elle vous serve à vous pencher sur ce que nous sommes. Ce qu’il y a derrière moi et derrière nos commandants : les peuples indiens et toute la situation d’injustice, de pauvreté et de misère et surtout de tristesse qu’il y a dans les communautés indiennes. Et aussi une fenêtre qui donne de l’autre côté pour que les communautés indiennes s’y penchent et vous voient et se rendent compte que la bonté et la méchanceté n’ont rien à voir avec la couleur de la peau, la langue ou la couleur des yeux. »
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