Un homme, une femme, une histoire de plomberie : entre sous- entendues sexuels et génie mécanique de la comédie, tout l’art raffiné de Lubitsch.
Faut-il préférer le raffinement au débraillé ? Alors que sort la même semaine la dernière production Apatow (American Trip de Nicholas Stoller, lire p. 54), la reprise de quelques Lubitsch par les Action permet de faire le point sur la comédie américaine.
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L’émergence depuis une dizaine d’années aux Etats-Unis de cinéastes comiques obsédés par la matière, que ce soit les frères Farrelly et leur goût pour les monstres, Apatow et sa fixation sur le laisser-aller masculin ou encore les tâcherons sous-apatowiens qui firent un méga-carton avec Very Bad Trip et son éloge du vautrage honteux, a remisé toute une tradition de la comédie américaine fondée sur un autre art : cette manière de faire advenir un gag non par une empathie sociologique avec les personnages (que tous les mecs de 30 ans post-ados lèvent le doigt) mais par ce que l’on appelle l’écriture – mise en scène, découpage, stylisation des dialogues, etc.
A un tel point qu’on se demande si cet art n’est pas frappé maintenant de désuétude, soupçonné de joliesse et de nostalgie envers une époque où la méticulosité avait encore son mot à dire.
Pourtant, la difficulté actuelle des productions Apatow à convain-cre de leur totale réussite artistique témoigne peut-être du fait que l’art contemporain de la comédie américaine manque, comment dire… manque… d’un arc souterrain, celui qui tend un film en entier et qui évite à celui-ci de n’être que la queue leu leu de moments ratés et réussis.
Cet art, Lubitsch en était l’un des maîtres.
Dans La Folle Ingénue (Cluny Brown en VO), une jeune femme a une passion pour la plomberie : ce qu’elle aime, c’est taper au marteau, dévisser, ausculter et, par-dessus tout, écouter le gargouillis divin du tuyau qui se débouche. Glou, glou, glou : le tissage tour à tour littéral et métaphorique de cette manie où le génie mécanique se noue aux passions sentimentales et sexuelles emporte avec lui la société anglaise, moquée ici avec une fantaisie satirique teintée de mélancolie.
Dans le rôle de la folle ingénue, une actrice qui incarne une fois de plus le goût de -Lubitsch pour les actrices sensuelles, après Ossi Oswalda : Jennifer Jones, la poitrine et les yeux et les plus piquants d’Hollywood.
Face au tout feu tout flamme féminin, un homme dont le flegme devient bientôt le masque d’une passion émerveillée pour la plombière de génie : Charles Boyer.
Suivront en septembre Le ciel peut attendre, La Huitième Femme de Barbe-Bleue, The Shop around the Corner. Pas question ici de défendre bêtement le magasin de porcelaine (Lubitsch et les princes hollywoodiens) contre l’éléphant (Apatow et consorts), juste l’occasion de s’interroger sur l’art de tenir fermement un film de A(mour) à Z(inzin).
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