[Les scandales qui ont secoué Hollywood] Inventeur, aviateur et milliardaire, Howard Hughes s’intéressa aussi de près au cinéma. Il fréquenta les plus grandes stars. Mais il fut aussi, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au coeur d’un scandale politique retentissant.
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Impossible, quand on voit Creepshow (réalisé en 1982 par George A. Romero et écrit par Stephen King), de ne pas penser que le personnage principal du cinquième et dernier sketch de ce film d’horreur humoristique s’inspire de la fin d’Howard Hughes, cet inventeur, ingénieur et pilote d’avion génial dont Martin Scorsese retraçait la vie dans The Aviator (2004), avec DiCaprio dans le rôle principal. Pourquoi ?
Parce que ce sketch, intitulé Ça grouille de partout (They’re Creeping Up On You), raconte l’histoire d’un homme riche frappé d’une phobie des microbes et virus en tous genres. Il vit dans un appartement aseptisé. Il finit (ALERTE AU DIVULGACHAGE) bouffé de l’intérieur par des milliers de blattes…
Howard Hughes (1905-1976), dont il serait beaucoup trop long de raconter toute la vie ici, souffrait lui aussi d’une phobie des microbes. Tout en vivant, à la fin de son existence, dans un état de délabrement physique aboslu et au sommet d’un palace d’Acapulco : complètement shooté à la codéine et à la morphine, il ne se coupait plus ni les cheveux, ni les ongles, souffrant sans doute de ce qu’on appelle le syndrôme de Diogène (une pathologie poussant entre autres les personnes concernées à accumuler de façon compulsive les objets, ndlr).
A vrai dire, les problèmes de Howard Hughes avec l’hygiène sont bien antérieurs à ses dernières années. Déjà, dans ses mémoires, Ava Gardner affirme qu’il n’était pas très propre sur lui, si j’ose l’exprimer ainsi. Si elle fut longtemps amie avec lui, elle refusa toujours ses avances.
Un héritier
Mais qui était Howard Hughes ? D’abord un héritier, un milliardaire. A 19 ans, il est orphelin des ses deux parents. Son père avait fait fortune dans le matériel de forage pétrolier qui deviendra, sous la houlette de Hughes, la grande compagnie Tool co. Il fait des études de mathématiques et d’aéronautique, commence à dessiner et à produire des avions. Il est doué, et ce depuis l’enfance. On dit qu’il avait fabriqué une bicyclette pourvue d’un moteur alors qu’il n’avait que onze ans.
Il s’installe à Hollywood, alors qu’il n’a que 25 ans. Et se lance dans le cinéma en produisant d’abord Les Anges de l’enfer (Hell’s Angels) (1930) et Scarface d’Howard Hawks (1932). Les Anges de l’enfer, film mettant en scène des combats aériens spectaculaires et contenant une scène en couleurs, a été tourné en muet et co-réalisé par trois hommes : James Whale, Edmund Goulding et Hughes en personne. Mais le parlant arrive et Hughes décide de faire doubler son oeuvre. Le film côute une somme assez astronomique et Hughes en tire un argument publicitaire…
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Il n’empêche que trois aviateurs et un mécanicien meurent pendant le tournage et qu’Howard Hughes lui-même manque de peu d’y laisser sa peau, puisqu’il a un grave accident en voulant exécuter lui-même quelques scènes aériennes…
Son intrusion dans un monde – le cinéma – qui n’est pas le sien, est mal vue par les mogols d’Hollywood :
Pour Scarface, Howard Hughes a débauché Howard Hawks de la Warner (au grand dam de cette dernière), le temps d’un film. Celui-ci, ultra-violent et réaliste, inspiré d’un roman décrivant assez librement l’ascension du gangster Al Capone, déclenche les foudres de la censure et ne sort que deux ans après son tournage, ayant subi de lourdes coupes (et bénéficié de trois fins différentes). Hughes, décidément, s’attire toujours des ennuis. Et a aussi aimé faire jouer dans son fim de vrais gangsters ou des amis de la pègre (dont son ami George Raft, par exemple)…
Howard Hughes n’aime pas que le cinéma. Il aime aussi beaucoup les actrices – ce qui n’est certes pas très original. On lui prête de nombreuses liaisons, pas toujours avérées, et non des moindres : Jean Harlow (qui joue dans Les Anges de l’enfer), Cyd Charisse, Joan Crawford, Bette Davis, Olivia de Havilland, Joan Fontaine, Rita Hayworth, Katharine Hepburn (ils eurent en tout cas une grande histoire d’amitié avant qu’elle n’épouse Spencer Tracy), Janet Leigh, Terry Moore, Jean Peters (qui fut son épouse de 1957 à 1971), Jane Russell, Lana Turner, etc. A Hollywood, il se sent chez lui.
L’aviation
Hughes a commencé à piloter à 14 ans. En 1930, il fonde la Hughes Aircraft Company. Avec son premier avion, le H-1 racer, il bat plusieurs records de vitesse vers 1935. En 1938, il se lance dans une autre aventure : un tour du monde en avion. Il est à un moment question que Katharine Hepburn (magnifiquement interprétée par Cate Blanchett dans le film de Scorsese) se joigne à l’équipage :
Mais finalement, Hepburn ne fait pas partie de l’expédition. Le 14 juillet 1938, avec son équipage, Howard Hughes accomplit son pari à bord de son Lockheed L-14 Super Electra “New York World’s Fair of 1939” à deux moteurs Cyclone de 1 100 chevaux chacun – en 3 jours, 19 heures, 8 minutes et 10 secondes.
En 1939, Howard Hughes rachète la TWA, la quatrième compagnie aérienne américaine.
Retour au cinéma
Côté cinéma, il rachète la RKO dans la foulée. Il produit et réalise en 1941 un western qui va s’attirer – un peu volontairement – les foudres de la censure : Outlaw (Le banni), avec Jane Russell, dont la poitrine imposante est filmée de manière insisistante par Hughes… Le film, interdit de sortie plusieurs fois, sort dans une version réduite en 1943, puis en 1946. La provocation n’est jamais loin, avec Howard Hughes.
En 1944, Hughes achète des avions Constellation, qui sont les premiers à accomplir la traversée des Etats-Unis du Pacifique à l’Atlantique (et réciproquement). Pour inaugurer la ligne Los Angeles-New-York, Howard Hughes invite Cary Grant, Paulette Goddard, Lana Turner, Veronica Lake, sa grande amie Jane Russell, etc. Et le boss de la pègre de New-York, Bugsy Siegel… Pour la première fois de l’histoire, on sert dans un avion un repas chaud aux passagers.
La guerre, le scandale de 1947 : sexe et argent
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Howard Hughes a conçu, testé, produit et vendu des quantités d’avions, d’armes et de matériel de renseignement à l’armée américaine. Un scandale éclate à la fin de la guerre. Hughes est accusé d’avoir touché énormément d’argent pour un avion qu’il n’a jamais livré. Et effectivement, le HK1 Hercules, avion en bois, n’a jamais vraiment volé…
On l’accuse de concussion. Des soirées galantes auraient été organisées par lui pour soudoyer des hommes politiques.
Mais devant la justice, Hughes s’en tire comme une fleur, sans doute soutenu par le gouvernement américain – le film de Scorsese décrit fort bien l’affaire.
En 1947, au cours du vol inaugural du Hughes XF-11, il a un second accident, dont il réchappe encore miraculeusement. Mais il a des cicatrices partout et ne se remettra jamais totalement de ses blessures. Il prend de la morphine pour oublier la douleur et se laisse pousser la moustache pour dissimuler une cicatrice.
Il travaille maintenant activement dans l’espionnage, et notamment avec la CIA, qui vient d’être fondée. La Guerre froide, qui commence, lui rapporte des millliards de dollars, grâce aux missiles qu’il fait fabriquer.
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Le retrait du monde
Ensuite, il se lance dans l’immobilier, notamment à Las Vegas, où il a beaucoup d’amis pas forcément très fréquentables. Petit à petit, il se retire de la vie. Ne se montre plus. Il ne quitte plus la suite qu’il possède au sommet du Desert Inn, qu’il a acheté. Il traite toutes ses affaires par l’intermédiaire de notes manuscrites. Seuls ses domestiques le voient. Juste avant de mourir, rapatrié en urgence d’Acapulco à Houston, en 1975, il ne pèse plus que 40 kilos, est sourd, et est totalement méconnaissable. La police doit utiliser ses empreintes digitales pour l’identifier avec certitude.
Ainsi périt ce génie de la construction aéronautique, ce producteur de cinéma mégalomane et ce playboy couvert de femmes : seul.
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