Intelligente réflexion sur le pouvoir, La folie du roi George n’arrive pas à transformer son théâtre filmé en cinéma. Le roi, c’est George ni, qui régna sur l’Angleterre de 1760 à 1811. La folie, ce sont les crises récurrentes pendant lesquelles le roi se met à dire n’importe quoi, saute sur les courtisanes, sort dehors […]
Intelligente réflexion sur le pouvoir, La folie du roi George n’arrive pas à transformer son théâtre filmé en cinéma.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le roi, c’est George ni, qui régna sur l’Angleterre de 1760 à 1811. La folie, ce sont les crises récurrentes pendant lesquelles le roi se met à dire n’importe quoi, saute sur les courtisanes, sort dehors en caleçon et réveille tout le château à 4 h du matin… D’après les historiens, George souffrait en fait de porphyrie, rare maladie qui provoque des urines violettes et entraîne un dérèglement psychique qui reproduit tous les symptômes de la folie : agitation, comportement obsessionnel, hystérie… Un mal d’origine physique plutôt que mentale, donc. Toute la subtilité du film de Nicholas Hytner réside dans cette ambiguïté sur la
nature réelle de la folie. Dans l’esprit de l’entourage du roi (médecins, fils, milieux politiques…), pas de doute : le roi était chtarbé total, diagnostic doublement renforcé par les limites de la médecine d’époque et par les ambitions aiguisées des dauphins, ministres et autres courtisans. Le film devient ainsi une belle réflexion sur la notion de pouvoir.
Que se passe-t-il quand le souverain perd la santé ? Comment se résoudre à lâcher les rênes de l’Etat ? Comment ce pouvoir développe tout un ensemble d’appétits contradictoires qui passent bien avant l’intérêt général. Tout emperruquée dans le XVIIIe siècle quelle est, La Folie du roi George dissèque une situation éternelle et évoque aussi bien les agonies interminables de Franco, Brejnev ou Pompidou que les grossières supputations qui fleurissaient pendant la fin de règne cancéreuse de Mitterrand. Mais l’intelligence de Nicholas Hytner et Alan Bennett (auteur du scénario d’après sa propre pièce) est d’avoir aussi adopté un point de vue ‘pour » le roi, notamment à travers son épouse (Helen Mirren, prix d’Interprétation à Cannes) qui ne le laisse jamais tomber. Après tout, ce roi qui oublie la rigidité du protocole, cavale en calcif comme un gamin, balance des grivoiseries comme un ado en rut, ce roi-là devient tout à fait sympathique, et finalement humain. Tel le roi Lear, George découvre la différence entre sa fonction officielle de roi et sa vérité intime, tout le fossé entre l’être et le paraître.
Cette histoire d’aristocratie poudrée est jouée et dialoguée selon les règles d’or du théâtre anglais : une parade de bons mots, d’accents roulés et chuintes, une leçon de diction et de rythme, un festival d’anglicité maximale, balai dans le cul, bouche en cul de poule et petit doigt en l’air. Plus Oxford que ça, tu deviens Shakespeare. Ce qui pose les qualités, mais aussi les limites du film : totalement issu d’une tradition britannique qui privilégie les acteurs et le dialogue, La Folie du roi George ne transcende pas l’impression de théâtre filmé. On n’a pas encore parlé de la mise en scène de Nicholas Hytner : compétente, impeccablement professionnelle, elle reste impersonnelle, soumise à la brillance des comédiens et de leurs exploits rhétoriques. Dans Barry Lindon – influence avouée d’Hytner-, Kubrick transcendait la rigidité du XVIIIe siècle par l’ampleur et le mouvement de sa vision : le cinéma commandait. Dans La Folie du roi George, c’est le théâtre qui drive.
{"type":"Banniere-Basse"}