L’amour fou serait-il incompatible avec le quotidien ? Truffaut les confronte dans l’un de ses films les plus sombres, fiévreux chaud-froid passionnel.
C’est un film qui est souvent passé à la télévision, mais à ceux qui ne l’auraient jamais vu, on ne saurait que trop conseiller cette séance
de rattrapage. Il s’agit d’une sorte de manifeste truffaldien sur la passion, forcément fatale.
Et ce qui est particulièrement fatal, c’est l’incompatibilité entre cette passion (Ardant
et Depardieu, mariés chacun de leur côté, retombent l’un sur l’autre par hasard, dix ans
après une première liaison ; c’est l’incendie) et le quotidien. A cet égard, on peut citer une scène
où Depardieu vient relancer Ardant dans sa cuisine, alors que les autres invités (le monde raisonnable) sont à table. Elle lui dit alors : « Si on te demande pourquoi tu es venu, dis que tu es venu réparer
le congélateur. » Cette façon dérisoire de tenir encore au réel avait particulièrement séduit Daney. Dans son Cinéjournal (récemment réédité), il explique que ce congélateur (que l’on ne voit pas dans le film) était ce qu’il préférait dans La Femme d’à côté, une invention scénaristique donnant une idée de
la virtuosité de Truffaut. En ce qui nous concerne, on garde une préférence pour le personnage d’Odile Jouve, incarné par Véronique Silver. Propriétaire
du club de tennis, c’est elle qui raconte l’histoire. Rien ne lui échappe, et pour cause : elle-même
a vécu une passion destructrice au point d’en porter les stigmates (au début du film, elle demande même à la caméra de reculer pour que le spectateur voie ses béquilles). Jean-Claude Guiguet a d’ailleurs rendu hommage à ce magnifique personnage
en faisant de Véronique Silver la narratrice
de son remarquable Les Passagers (1999).
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