LA FÉLINEde Jacques Tourneur, avec Kent Smith, Simone Simon, Tom Conway (1942, E-U, 75 mn, VO) Un tournant dans l’histoire du cinéma fantastique et, partant, du cinéma en général : le mystère intime traduit en ombres mouvantes. Irina (Simone Simon, qui donne toute sa félinité au personnage sans jamais tomber dans la vulgarité), jeune modéliste […]
LA FÉLINE
de Jacques Tourneur, avec Kent Smith, Simone Simon, Tom Conway (1942, E-U, 75 mn, VO)
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Un tournant dans l’histoire du cinéma fantastique et, partant, du cinéma en général : le mystère intime traduit en ombres mouvantes.
Irina (Simone Simon, qui donne toute sa félinité au personnage sans jamais tomber dans la vulgarité), jeune modéliste serbe immigrée aux Etats-Unis, est persuadée d’être la descendante d’une race de femmes susceptibles de se transformer en panthères. Elle se laisse épouser par l’architecte Oliver Reed mais se refuse à la consommation du mariage…
Une intégrale parisienne rappelait récemment à quel point le fantastique de Jacques Tourneur est l’art de la suggestion, tire son efficacité maximum de la litote. Son style, ou plutôt le style du tandem Jacques Tourneur-Val Lewton (son producteur-éminence grise) peut se résumer par la légendaire formule : « Moins on en voit, plus on a peur. » Ici, ce théorème se vérifie quasi mathématiquement dans deux scènes inoubliables. D’abord, celle où Irina suit Alice, une collègue amoureuse d’Oliver, dans la nuit. On ne voit rien à part des jambes qui s’affolent, des ombres qui s’allongent, du vent dans les arbres. Et pourtant, trouillomètre à zéro ! Autre scène d’anthologie : dans une piscine, Alice est prisonnière de la présence féline qui n’apparaît que par des ombres informes sur les murs, et des grognements rauques indistincts. Bruits obscurs, ombres floues, le fantastique à la Tourneur évite tout manichéisme, ne tranche rien. On comprend vite qu’Irina craint sa propre animalité, son propre désir. Mais à mesure que l’intrigue progresse,
le mystère psychique du personnage s’épaissit. Profond, intime, datant d’avant la contamination des scénarios hollywoodiens par la psychanalyse la plus « bas du front », ce cinéma-là a disparu.
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