Le graphiste et dessinateur de bande dessinée italien Lorenzo Mattoti réalise une belle adaptation d’un conte pour enfants de Dino Buzzati, où des ours tentent une difficile cohabitation dans la société des hommes.
Nous sommes en Sicile, il y a longtemps. Les ours de l’île, très nombreux dans les montagnes, ont un roi appelé Léonce. Un jour, alors qu’il joue avec son fils Tonio dans la rivière, l’enfant disparaît soudain, enlevé par des chasseurs.
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Méditation sur la filiation et la masculinité
Léonce n’est plus que l’ombre de lui-même et ne gouverne plus… Résultat : l’hiver arrive et les vivres nécessaires pour l’hibernation n’ont pas été rassemblés. Léonce retrouve du poil de la bête et décide d’aller trouver les hommes, ces inconnus, pour leur demander de l’aide – mais aussi dans l’espoir de retrouver Tonio.
Seulement voilà : ce qu’ignorent les ours, ces grands naïfs, c’est que les hommes ne sont pas forcément gentils avec les animaux et que l’arrivée des ours va être vécue comme une invasion belliqueuse. S’ensuit une série de péripéties contre le Grand-Duc de Sicile qui amèneront les ours au pouvoir. Mais les ours sont-ils faits pour vivre avec les hommes et adopter leur habitus ?
Joli conte écologique, méditation sur la filiation et la masculinité (Tonio n’a pas toutes les qualités requises pour être un « vrai » ours – il ne sait pas pêcher le poisson à la main ! –, et Léonce le lui reproche), mais aussi sur le pouvoir, le conte de Dino Buzzati est ici bellement mis en dessins animés dans un style qui ne doit rien à l’animation américaine ou japonaise.
Mise en abyme du récit
Le récit est divisé en deux parties distinctes, d’abord mené par un baladin et sa jeune assistante, réfugiés dans une grotte pour échapper aux intempéries. Seulement cette grotte est habitée par un ours, et c’est en contant cette vieille histoire que les deux ménestrels veulent charmer le vieil ours inquiétant.
La deuxième partie de l’histoire est cette fois-ci racontée par l’ours lui-même. Cette mise en abyme du conte, procédé baroque que Corneille avait par exemple utilisé dans L’Illusion comique, n’est pas le moindre charme de ce film cultivé.
La morale finale du conte pourrait paraître gênante puisqu’elle se conclut par un échec : les ours ne peuvent pas vivre avec les humains. Mais l’ours ne doit pas être vu ici comme une métaphore de l’étranger. Buzzati dit qu’un animal ne peut pas devenir un homme sans le singer, sans perdre ce qui le constitue et fait sa dignité : son animalité.
La Fameuse Invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti, avec les voix de Jean-Claude Carrière, Jacky Nercessian, Leïla Bekhti, Thierry Hancisse (Fr., It., 2016, 1 h 22)
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