On connaissait le film à thèse, et c’était déjà pénible. Avec La Fabrique de l’homme occidental, Gérald Caillat pratique la thèse à film, et là, ça devient insupportable. Coproduit par Arte (et déjà diffusé sur la chaîne), ce pensum se propose de nous faire découvrir les thèses plus ou moins fantaisistes de Pierre Legendre, honorable […]
On connaissait le film à thèse, et c’était déjà pénible. Avec La Fabrique de l’homme occidental, Gérald Caillat pratique la thèse à film, et là, ça devient insupportable. Coproduit par Arte (et déjà diffusé sur la chaîne), ce pensum se propose de nous faire découvrir les thèses plus ou moins fantaisistes de Pierre Legendre, honorable professeur de droit et directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Anthropologue atteint de freudisme débridé, ayant connu son heure de gloire dans l’après-68, obsédé par les questions de filiation et de pouvoir, Legendre est visiblement le gourou de Gérald Caillat (venu du cinéma expérimental et de l’INA, ce qui fait beaucoup pour un seul homme) et du producteur de cette curieuse entreprise, Pierre-Olivier Bardet (venu de la vidéo et du groupe Erato, c’est pas mal non plus). Après avoir lu et relu ses imposantes œuvres complètes, Caillat et Bardet ont produit des émissions de radio à la gloire du génial Legendre. Mais voilà, les Nuits magnétiques sur France Cul, c’était pas assez. Il fallait plus, un film par exemple. Ils en rêvaient, ils l’ont fait, c’était le début de notre cauchemar.
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« Ce film se propose d’aller vers l’homme d’ici comme un étranger, et de montrer le décor anthropologique que nous ne voyons plus », prévient le dossier de presse. Vaste programme. En fait, le film se contente de faire défiler des institutions (le Vatican, l’armée, un centre de placement d’enfants, une multinationale, un hôpital) afin de démontrer par A plus B toute la pertinence des idées de Legendre. Celui-ci assurant la voix-off sur un ton sentencieux qui nous a bien fait rigoler. Si la place nous manque pour discuter ses fumeuses recherches (en gros, la reproduction infinie de la structure paternelle et ses diverses mises en scène à travers les centres de pouvoir), on peut s’interroger sur l’intérêt d’un film documentaire qui ne cherche pas à montrer quoi que ce soit mais simplement à illustrer un discours préconçu. A quoi sert le cinéma s’il renonce par avance à dévoiler le monde pour se contenter de vulgariser une thèse ? A rien. Sans vouloir écraser Gérald Caillat, on ne saurait trop lui conseiller de revoir Mon oncle d’Amérique : à partir des travaux hautement contestables de l’astrologue Henri Laborit, Resnais avait réussi un film étrange et neuf. Reste à espérer que cette Fabrique s’arrêtera à ce prototype foireux et ne produira pas de clones.
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