Une femme décide de vendre tous ses biens et ravive autant de vieux souvenirs. Une tragédie douce-amère et émouvante dans laquelle Catherine Deneuve rayonne.
Il y a un drôle de lien qui unit Catherine Deneuve au personnage du roman de Lynda Rutledge, Le Dernier Vide-grenier de Faith Bass Darling, qu’adapte Julie Bertuccelli. Jeudi dernier à Paris, à la demande de l’actrice, la maison de ventes Christie’s mettait aux enchères une importante partie de sa garde-robe signée de son ami Yves Saint Laurent. Deux jours plus tôt, dans les salons de la prestigieuse enseigne, Deneuve lâchait avec toute l’espièglerie qu’on lui connaît : “Ce ne sont que des vêtements, et c’est très léger.”
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Claire Darling, elle aussi, a décidé de tout vendre. Mais les armoires anciennes, les tableaux d’époque et autres bibelots qui encombrent les pièces de sa demeure n’ont pas la légèreté des robes de soie et de satin. Se séparer – non sans une pointe de mélancolie – de ses précieux habits, c’est pour Catherine poursuivre sa vie avec allant, sans peine, ni nostalgie. Quitter ses objets chéris, c’est pour Claire signer son arrêt de mort. Car Mme Darling en est certaine : une fois la maison vidée, son heure sera venue.
“Peut-être éprouvez-vous le besoin de faire un ménage intérieur ?”, suppose son ami curé procédant ainsi à un grossier raccourci qui ne manque pas d’agacer la dame décidée. C’est pourtant dans un mouvement rétrospectif et forcément cathartique que se construit La Dernière Folie de Claire Darling. Alors que le mobilier s’entasse dans le jardin, les souvenirs comme de petits tableaux vivants renaissent sous les yeux de Claire, spectatrice de sa propre vie, abandonnant le surplus matériel pour mieux (r)éveiller les fragiles lambeaux de sa mémoire. L’image est belle quoiqu’un peu lourde de sens, à l’instar des mots de l’homme religieux et on regrette que le film, balancé mécaniquement entre un présent qui se dissout et un passé soigneusement recomposé, ne parvienne à se défaire totalement du cahier des charges propre à l’adaptation littéraire.
Ce qui aimante ici n’est pas tant l’histoire d’antan que le compte à rebours funeste lancé par une héroïne, prête à quitter la vie comme on part en voyage.
Au milieu de cette douce tragédie, Catherine Deneuve, les cheveux blanchis, bientôt orpheline des pantins de bois qui ont tant regardé sa vie, rayonne. A ses côtés, tout prend une dimension nouvelle. La maison-musée devient un abri cinéphile : là un reflet d’elle, épaule dénudée, nous rappelle Séverine de Belle de jour, ici un chignon parfaitement noué évoque celui de Geneviève des Parapluies de Cherbourg et une balade en forêt ramène inévitablement au temps de Peau d’âne. C’est dans l’insouciance de son personnage, doux et cruel, que réside la touchante beauté de cette Dernière Folie. Un personnage qui aura beau se défaire des choses légères, pour ne pas crouler sous le poids de la futilité, habitera nos têtes, pour toujours.
La Dernière Folie de Claire Darling de Julie Bertuccelli (Fr., 2018, 1h34)
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