La Dérive des sentiments

Deuxième long métrage du jeune Suwa Nobuhiro, M/other vient confirmer cette tendance qui, depuis quelques années, veut que les films les plus novateurs, les plus beaux et les plus forts, viennent de l’Extrême-Orient en général et du Japon en particulier. M/other est un film dont le titre fonctionne comme un raccourci lettriste de son contenu : M pour la masculinité, other pour l’Autre, mother pour la maternité et la féminité, le / pour la fêlure des familles et des couples modernes. Soit donc Tokyo, aujourd’hui, un homme et une femme. Il a une quarantaine d’années, un fils d’un précédent mariage, elle a la trentaine, ils vivent ensemble sans enfant, formant un couple moderne dans le contexte de la société japonaise. L’ex-épouse devant séjourner à l’hôpital, l’homme doit récupérer la garde de son fils, gamin dont l’intrusion inattendue va servir de révélateur aux relations profondes entretenues par son père et sa concubine. Patiemment, en enregistrant rigoureusement le lent travail’ d’usure du quotidien, Suwa va ainsi observer la lente évolution des rapports de ce couple jusqu’à ce que la crise qui couvait finisse par exploser. La durée est ici un ingrédient fondamental – durée des plans et des scènes, durée globale du film -, l’élément essentiel de captation du spectateur, celui qui donne matière au film, le facteur créateur de suspens et de tension. Elle permet en outre aux acteurs de vivre leurs scènes avec une liberté magnifiée par un sens rigoureux et quasi millimétré du plan. Cette dialectique entre maîtrise et abandon est l’aspect le plus fécond du film. Superbe traité sur l’écoulement du temps et sur la mort aux travail’, M/other nous laisse avec une somme d’interrogations : malgré l’évolution des mœurs, le couple demeure une aventure à hauts risques, les relations homme/femme un malentendu éternel, et l’Autre, un bloc de mystères, parfois sans réponses.

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