Les péripéties douloureuses d’un jeune trafiquant de métaux. Un film noir un peu pesant.
Nous avions aimé les premiers films de Jérôme Bonnell : Le Chignon d’Olga, Les Yeux clairs, J’attends quelqu’un. Ce jeune cinéaste né en 1977 y témoignait d’un réel talent de directeur d’acteurs, de dialoguiste et de découvreur d’actrices formidables : Florence Loiret Caille et Nathalie Boutefeu, en particulier. Mais Bonnell n’a jamais été un conteur. Dès que ça fictionnait, dès qu’il s’agissait de raconter ce vieux truc qu’on appelle une histoire, l’intérêt retombait. C’est dans la chronique, dans l’attention et la liberté qu’il accordait à ses acteurs (Darroussin dans J’attends quelqu’un était génial), dans les interstices de la narration, dans le langage au quotidien, dans la description de la fragilité des êtres et des sentiments que Bonnell étonnait et détonait.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Avec J’attends quelqu’un, il semblait avoir trouvé sa forme idéale : éclatée, chorale, car ce type de récit ne s’encombre pas de circonvolutions et se contente d’avancer pas ellipses. Or il se trouve ici que Bonnell semble avoir décidé – sans doute dans le but légitime et admirable de se renouveler – de changer de registre et de se lancer dans un film de genre. La Dame de trèfle est donc un film noir, avec son lot d’événements fatals et de péripéties forcément tragiques qui conduisent là où le destin a décidé de les mener : la chute. Et l’on est déçu, très vite, car le talent de Bonnell ne s’adapte absolument pas à un genre qui nécessite un esprit d’architecte ou d’horloger qu’il ne possède pas. Sans doute un peu perdu, Bonnell ajoute à son récit une petite facétie de mode qui ne convainc pas (il semble lui-même ne pas y croire) : l’inceste latent entre le frère et la sœur. Quant aux acteurs, ils sont comme toujours chez Bonnell excellents, mais ils n’arrivent pas à dégager le film de la gangue de scénario dans laquelle ils s’empêtrent avec leur réalisateur. Enfin, et Bonnell n’y est évidemment pour rien, car il ne pouvait pas le prévoir quand il a tourné son film, nous autres spectateurs ne pouvons oublier complètement nos expériences passées : et l’on en a assez, aujourd’hui, de voir sur un écran la grande Florence Loiret Caille se biturer à la bière et danser dans des cafés glauques (comme dans Au voleur de Sarah Petit). S’il vous plaît, donnez-leur désormais, à ces actrices singulières (Boutefeu la burlesque, Loiret Caille la gouailleuse), des rôles à leur démesure !
{"type":"Banniere-Basse"}