Un documentaire essentiel de Nanni Moretti, inédit en France, a capté un moment historique : la fin du PC italien. Près de dix ans après sa réalisation sort enfin en salles le documentaire de Nanni Moretti sur la fin du PCI, consécutive à la perestroïka, à la chute du mur de Berlin et à la […]
Un documentaire essentiel de Nanni Moretti, inédit en France, a capté un moment historique : la fin du PC italien.
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Près de dix ans après sa réalisation sort enfin en salles le documentaire de Nanni Moretti sur la fin du PCI, consécutive à la perestroïka, à la chute du mur de Berlin et à la désagrégation de l’URSS. Une œuvre relativement austère et rigoureuse dans laquelle il ne faut pas chercher la touche morettienne, l’humour sadomaso léger qui électrise ses fictions. On n’y trouve pas non plus un vrai bilan historique ou dogmatique ni une visite guidée de l’appareil du parti et de son fonctionnement.Non, rien de tout cela. Uniquement des prises de parole lors de réunions de cellule dans différentes villes d’Italie, entre novembre et décembre 1989, où les militants de base filmés en plan fixe rapproché exposent tour à tour leurs déceptions, leurs doléances ou leurs espoirs face au tournant historique que prend le plus ancien parti italien en reniant implicitement son allégeance à la ligne marxiste pure et dure.
Le n’ud gordien que tout le monde est appelé à trancher au cours de ces débats, c’est le changement de nom du parti. Un détail en apparence, qui s’avère en fait un bouleversement copernicien. En perdant son appellation d’origine, et en devenant provisoirement et de manière quelque peu humoristique La Cosa (« la chose »), comment le PCI préservera-t-il son intégrité, son identité politique ? Les symboles ne sont pas seulement importants. Ils sont vitaux, essentiels ; ce sont les piliers des doctrines. Ce n’est donc pas une simple réforme qui est en jeu ici, mais bien la disparition du communisme. Bien qu’aucun orateur ne prenne réellement acte de cette mort annoncée, hormis le sage qui demande carrément « Le communisme a-t-il déjà existé ? », l’ensemble des discours forme un éloge funèbre collectif : les anciens évoquent les périodes héroïques la guerre, la Résistance, les années de plomb , les acquis et la fierté de la classe ouvrière ; les plus jeunes tentent d’amorcer la continuité dans le changement, suggérant de futurs chantiers pour le parti mais sans convictions fortes. On sent que l’unité est rompue. Le secrétaire du parti, Achille Occhetto, est attaqué par la plupart des intervenants, qui font plus état de doléances individuelles, de souvenirs personnels que communs. Un vieil homme indigné, la baguette sous le bras, prend violemment à partie un camarade sur un ton très nostalgique. Une étrange jeune femme s’obstine posément à nommer le parti « Mister X » et le compare à un éléphant avec une très longue trompe (!), etc. Aujourd’hui, le PCI, devenu le PDS (parti démocratique de gauche) puis DS (les démocrates de gauche), s’est mollement fondu dans la masse… A sa manière parcellaire, Nanni Moretti a donc enregistré un moment historique. Question : pourquoi est-il le seul (de sa génération) ?
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