L’actrice-cinéaste déjoue l’horreur gothique pour le mélo féministe. Intéressant.
Auteur et actrice de ses films, Julie Delpy aime se dépeindre comme une adorable emmerdeuse, jouant toujours la course contre la montre – voir le bien nommé 2 Days in Paris ou Looking for Jimmy et Before Sunset (coécrit avec son réalisateur Richard Linklater), dévorés par le temps réel.
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La Comtesse passe à une autre échelle : Delpy quitte ses joyeux foutoirs tournés sur le trottoir pour le XVIIe siècle, et son personnage abrasif dérange ici toute une société.
Elle est Elisabeth Báthory, aristocrate hongroise entrée dans la légende pour sa réputation de tortionnaire et meurtrière de (nombreuses) jeunes filles. Amatrice supposée de bains de sang (de ses victimes) pour conserver sa jeunesse, elle inspira beaucoup le thème du vampire, dont le curieux film Les Lèvres rouges (1971), avec une Delphine Seyrig mémorable en robe lamé argent.
L’idée de La Comtesse est d’humaniser le “monstre” façon Twilight, et d’en faire à la fois une victime et une femme en avance sur son temps. Donc très contemporaine.
Veuve, stratège, bisexuelle, gestionnaire de son domaine, accro au sang de vierge comme à un Botox d’antan, Báthory est une femme trop libre pour un patriarcat incarné par le comte Thurzo (William Hurt), qui voudrait l’épouser et la dompter.Mais en bonne cougar, elle s’entiche plutôt du jeune fils de ce dernier.
La belle idée de Delpy est de préférer le mélodrame à l’horreur pure avec vierge de fer et saignées (il y en a quelques-unes). L’obsession cosmétique de Báthory, ses penchants sadiques pour la flagellation évacuent la frustration d’un amour vite contrarié.
Le film est malheureusement peu incandescent, assez corseté par les travers du film en costumes (scènes d’intérieur muséologiques, casting sentencieux…) et de la coproduction (l’objet du désir delpyen est l’Allemand éternellement fadasse Daniel Brühl).
En soufflant le chaud et le froid, en quête de maturité, Delpy nous en fait regretter son freestyle un peu surjoué mais attachant des débuts. Mais l’autoportrait se prolonge, cette fois à coups de gros plans insistants sur son visage en son miroir, qu’elle imagine vieilli.
La quadra blonde contre le temps – un peu comme Michelle Pfeiffer dans ses derniers films, tel le chétif Chéri : Delpy a un certain talent pour briser le narcissisme, et n’en ramasser que le désarroi, pas rasoir, parfois émoussé par le ronron des robes d’époque, parfois tranchant.
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