Alors que The Prom de Ryan Murphy vient de sortir sur Netflix, retour sur 20 films illustrant la passion pour les comédies musicales aux Etats-Unis.
L’amour que les Américains portent dès leur plus jeune âge aux comédies musicales fait partie de ces spécificités culturelles qui ne prennent pas tant que ça ailleurs (seule l’Inde et ses productions bollywoodiennes battent les States en la matière). Peu de cinéastes se risquent à l’exercice en Europe par exemple, alors qu’on ne compte plus les films américains qui n’hésitent pas à basculer subitement d’un mode de narration “normal” à une séquence de comédie musicale (La Folle Journée de Ferris Bueller, et plus récemment Je veux juste en finir ou le dernier épisode de la saison 1 d’Euphoria).
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En France, pas besoin de savoir danser ni chanter pour être un bon acteur, ni même pour faire un film musical comme Les Chansons d’amour de Christophe Honoré. On privilégiera plutôt la singularité d’une voix trop faible ou tremblotante, sans souci de la performance. Même chez Jacques Demy, très influencé par le film musical à l’américaine, les scènes de danse reposent davantage sur la mise en scène que sur la chorégraphie en elle-même. Et, des chansons si entêtantes de Michel Legrand, on retient la mélodie et la poésie des mots plutôt qu’une performance vocale ou un show spectaculaire (Judy Garland, Fred Astaire, Gene Kelly ou Barbra Streisand n’auront jamais d’équivalent français).
Voici donc une liste de 20 films musicaux made in USA, qui ne sont pas forcément les plus importants de la culture américaine en elle-même (on ne parlera pas ici des classiques Oklahoma !, Un violon sur le toit, Bye Bye Birdie ni de La Mélodie du bonheur) mais bien plutôt une sélection de films qui, de décennie en décennie, ont su traverser les frontières, constituer un véritable genre de cinéma, et nous faire danser ou chanter à travers le monde !
Le Magicien d’Oz (1939), Victor Fleming
A bien des titres, Le Magicien d’Oz est un spectacle total (pour ses décors, ses chansons, mais aussi pour son passage du noir et blanc à la couleur en plein milieu du film !). Que vous l’ayez vu ou non, vous avez forcément déjà entendu parler de Dorothée et de ses souliers rouges. C’est tout simplement l’un des films les plus vus au monde et il a propulsé Judy Garland sur le devant de la scène à seulement 17 ans, pour le pire comme le meilleur.
Mariage Royal (1951), Stanley Donen
Inspiré d’un épisode de la vie réelle de Fred et Adele Astaire, Mariage royal est délicieusement sirupeux. Un frère et une sœur (interprétés par Fred lui-même et Jane Powell) règnent en maître sur Broadway. Ces deux célibataires endurcis vivent pour leur art et rien au monde ne les ferait penser au mariage… Mais, la bonne personne peut renverser toutes nos certitudes et nous faire changer d’avis sur n’importe quel sujet, n’est-ce pas ? Au point même de nous faire danser tête en bas lorsqu’il s’agit d’un film de Stanley Donen. La preuve en images !
Chantons sous la pluie (1952), Gene Kelly & Stanley Donen
Certainement le plus grand classique de l’histoire des films musicaux, Chantons sous la pluie a inspiré des générations de cinéastes. De Jacques Demy à La La Land (2016), il s’agit moins de faire du grand spectacle que de souligner avec délicatesse et élégance les états d’âme des personnages en s’appuyant sur les détails les plus banals du quotidien (comme un parapluie). Ainsi l’image d’un trio de badauds (Gene Kelly/Debbie Reynolds/Donald O’Connor) jouant avec les flaques d’eau sous la pluie est-elle devenue emblématique du cinéma américain.
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Les Hommes préfèrent les blondes (1953), Howard Hawks
De Les Hommes préfèrent les blondes on se souvient surtout de… la blonde, incarnée par Marilyn Monroe, et qui chante sans complexe son obsession pour les diamants (“Diamonds are a girl’s best friend”). Un film d’une parfaite légèreté où tous les personnages sont plus superficiels les uns que les autres. En effet, la brune (Jane Russell) ne pense qu’à la beauté des corps masculins jeunes et musclés, tandis que les hommes que les deux femmes rencontrent sont tous plus ou moins idiots. Howard Hawks a su merveilleusement profiter du jeu et de la présence physique de Marilyn Monroe, d’une exquise irréalité. Un film musical flirtant étrangement avec le genre cartoonesque et à ne surtout pas prendre au sérieux…
Brigadoon (1954), Vincente Minnelli
Gene Kelly et Cyd Charisse vivent une histoire d’amour impossible dans ce film adapté d’une célèbre comédie musicale de 1947. Figurez-vous qu’une faille temporelle sépare les deux amants de plusieurs siècles. Car Brigadoon est un village magique en Ecosse, n’existant qu’un seul jour par siècle et menacé de disparition au départ de l’un de ses habitants. L’Américain préférera-t-il New York et le monde moderne à sa bien-aimée coincée dans un village du Moyen-Age ?
Carmen Jones (1954), Otto Preminger
Carmen de Bizet repassé à la sauce jazz, voici grosso modo le programme musical qui vous attend dans ce film ! A Broadway en 1943, la comédie musicale fut un véritable carton, transposant l’histoire du célèbre opéra dans le sud des Etats-Unis, en anglais, et avec des personnages noirs. Le film aussi remportera des prix prestigieux… Pour incarner le premier rôle, Otto Preminger a choisi la toute première actrice noire ayant réussi à s’imposer à Hollywood : Dorothy Dandridge. A ses côtés, Harry Belafonte joue le rôle de l’un de ses prétendants.
https://youtu.be/OPe2HLwqgc8
West Side Story (1961), Robert Wise, Jerome Robbins
“Maria, Maria…” En attendant de découvrir le remake de Steven Spielberg (ou pas), on n’aura jamais assez revu le film musical aux dix Oscars, West Side Story ! Résolument moderne, il met en scène des conflits raciaux, des scènes de rues entre gangs et évoque le contexte réaliste de l’immigration aux Etats-Unis. Mais l’intrigue principale reste tout de même une histoire d’amour universelle, énième variation autour de Roméo et Juliette. Toutes les chansons, composées par Leonard Bernstein, sont aussi belles qu’entêtantes.
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Mary Poppins (1964), Robert Stevenson
Etant enfant, qui n’a pas rêvé d’avoir Julie Andrews pour nounou, de chanter avec elle “Supercalifragilisticexpialidocious” et d’entrer dans le monde enchanté de Bert, le ramoneur/homme-orchestre/dessinateur? C’est ce film Walt Disney qui a lancé la carrière de la comédienne et qui, avec La Mélodie du bonheur (1965), lui a conféré pendant un certain temps une indécrottable aura de fille sage, à l’eau de rose. A la fois composé de prises de vues réelles et de dessins animés, Mary Poppins était assez innovant d’un point de vue technique. Les personnages principaux pénètrent carrément dans l’univers animé et dansent avec des pingouins. Quand magie du cinéma et magie de l’enfance riment ensemble…
My Fair Lady (1964), George Cukor
Audrey Hepburn et Rex Harrison sont le duo britannique irrésistible de My Fair Lady ; Hepburn en fleuriste cockney et Harrison en professeur féru de langues. Ils se côtoient sous le prétexte d’un pari : la jeune femme, issue d’un milieu populaire, sera-t-elle capable de passer pour une aristocrate lors d’une très chic cérémonie ? En quelques mois, le personnage d’Audrey Hepburn se transforme, telle Cendrillon, à l’aide d’atours. Vêtue de robes plus belles les unes que les autres et devenue une experte de la diction et des bonnes manières, elle passe inaperçue dans un milieu qui n’est pas le sien. La leçon de ce conte de fées est plus sarcastique qu’il n’y paraît, puisqu’au royaume des riches, seule l’apparence compte.
Cabaret (1972), Bob Fosse
Entrez donc dans le Kit Kat Club, un cabaret berlinois des années 1930 où se produit la formidable Sally Bowles (Liza Minnelli)… Le portrait de cette héroïne si moderne tisse en filigrane l’arrivée du nazisme et la fin d’un monde de libertés (sexuelle notamment). Liza Minnelli, fille de Vincente Minnelli et de Judy Garland, est extrêmement émouvante en meneuse de revue inconsciente et en amoureuse tragique. On ressort du film avec une grande nostalgie à la fois pour elle et pour cet univers que l’on sait être en train de courir à sa perte.
Phantom of the Paradise (1974), Brian De Palma
Baroquissime à souhait, ce remake rock du Fantôme de l’opéra ressemble presque à un giallo italien tant cette histoire de trahison et de vengeance ne tient pas debout. Le personnage principal est un artiste détruit, qu’un producteur musical a trompé pour lui voler une chanson et la transformer sans son accord. Satire monstrueuse d’un monde sans pitié et grand spectacle kitsch, à la Brian De Palma. Il fallait l’inventer.
https://youtu.be/v40_sPA3m9k
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The Rocky Horror Picture Show (1975), Jim Sharman
The Rocky Horror Picture Show est avant tout l’histoire exceptionnelle d’un petit film du cinéma bis devenu culte. Le temps de son exploitation en salle, le film n’a attiré que les spectateurs nocturnes des dernières séances. Peut-être fallait-il sortir d’une soirée bien arrosée ou être sous l’influence de drogues pour apprécier le show qui n’est autre qu’une immense parodie ultraprovoc ? Peu à peu, le bouche-à-oreille a donné lieu à un véritable phénomène, les gens rejouant sur scène et en direct l’intégralité du film. Cette tradition continue aujourd’hui dans des cinémas du monde entier (dont le studio Galande, à Paris). La faute à Tim Curry que l’on ne peut qu’adorer dans le rôle du grand méchant Dr Frank…
New York, New York (1977), Martin Scorsese
Une histoire d’amour dramatique entre une chanteuse de jazz, jouée par Liza Minnelli, et un saxophoniste incarné par Robert De Niro. Ou comment un couple d’artistes peut s’aimer au plus haut point sans savoir s’aimer au jour le jour. Un film déchirant dont vous connaissez forcément le morceau principal, New York, New York. Martin Scorsese a offert à Liza Minnelli le dernier grand rôle de sa carrière. Et la chanson, reprise quelques années plus tard par Frank Sinatra, fut un énorme succès, contrairement au film qui fut un échec au box-office et plongea encore un peu plus Scorsese dans la drogue et la dépression.
Hair (1979), Miloš Forman
Ce cultissime film musical ausculte le mode de vie hippie aux Etats-Unis, alors que le pays est en pleine guerre du Vietnam. De chanson en chanson, on découvre les valeurs politiques de tolérance et de liberté des personnages, leur désir de lutter contre l’injustice et de créer une société plus belle, mais aussi les contradictions du groupe, notamment en matière de féminisme (qui est encore assez embryonnaire). Le résultat est un film musical aussi enthousiasmant que politique, des personnages attachants, un final grandiose, et des chansons dont vous ne pourrez tout simplement plus vous passer.
Les Blues Brothers (1980), John Landis
Film culte par excellence des années 1980, Les Blues Brothers est à l’origine un sketch musical de l’émission américaine Saturday Night Live. Pour le film, John Belushi et Dan Aykroyd ont repris tels quels leurs personnages à la dégaine comique. Le duo – les flegmatiques Laurel et Hardy du Blues – porte toujours la même tenue : chemise et chaussettes blanches avec lunettes, costume, cravate et chapeau noirs. Leur look reconnaissable entre tous est à l’image de leur personnalité : imperturbable. Ce film comique et musical est aussi l’occasion de nombreux caméos de luxe : James Brown, Cab Calloway, Aretha Franklin, Ray Charles, John Lee Hooker mais encore Carrie Fisher et Steven Spielberg !
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Coup de cœur (1982), Francis Ford Coppola
Coup de cœur (ou One from the Heart en version originale) est le film connu pour avoir ruiné la carrière de Coppola. Un énorme budget pour un film très ambitieux (des décors de Las Vegas recréés en studio, des mouvements de caméra très compliqués synchronisés avec des chorégraphies…) qui se soldera par un échec à la fois commercial et critique. Le moins que l’on puisse dire est que Francis Ford Coppola avait vu grand pour cette histoire d’amour moderne bercée par une bande originale signée Tom Waits et Crystal Gayle. Le temps d’une nuit, un couple vieux de cinq ans et lasse de son quotidien envisage de se séparer. Encore aujourd’hui, cela reste l’œuvre du cinéaste dont il est le plus fier.
Victor Victoria (1982), Blake Edwards
Vers la fin des années 1970, Julie Andrews enchaîne les rôles à contre-emploi pour son réalisateur de mari, Blake Edwards, et brise ainsi définitivement l’image un peu guimauve qu’elle se trimballait depuis Mary Poppins. Avec Victor Victoria, elle s’illustre à nouveau dans un film musical mais son personnage est bien loin de celui de la gentille gouvernante magicienne. Elle incarne une chanteuse des années 1930 complètement fauchée, à Paris. Alors qu’elle touche le fond, un spécialiste des spectacles queer de cabaret trouve qu’elle attirerait davantage de public en se faisant passer pour un homme. Victoria devient ainsi Victor et le succès est bel et bien au rendez-vous. Mais, un grand mafieux hétérosexuel tombe sous son charme et cela le dérange beaucoup de désirer soudain un homme…
Cry-Baby (1990), John Waters
Après West Side Story et Grease, voici encore un film musical reprenant l’intrigue amoureuse de Roméo et Juliette, mais cette fois-ci sous un mode parodique. Dans un lycée, les rockeurs s’affrontent aux fils à papa amateurs de doo-wop. Johnny Depp incarne le bad boy en blouson de cuir que toutes les filles adorent (c’est le “Cry-Baby” du titre) et un jour la sage et jolie Allison tombe folle amoureuse de lui. Un teen-movie rigolo fondé sur la rencontre de deux sous-cultures typiquement américaines.
Tout le monde dit I Love You (1997), Woody Allen
Eh oui, Woody Allen aussi a fait sa comédie musicale. Et on reconnaît pas mal de monde au casting de ce film musical : Julia Roberts, Natalie Portman, Goldie Hawn, Drew Barrymore, Edward Norton, le jeune Natasha Lyonne, Tim Roth, Billy Crudup… sans oublier Woody Allen lui-même. Une jeune new-yorkaise raconte une année inoubliable de la vie de ses parents, mais aussi différentes histoires amoureuses ponctuées de standards américains. Le ton est léger, le verbe volubile, les personnages sont drôles, lâches et versatiles. Bref, du Woody Allen tout craché, mais en musique !
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Moulin Rouge ! (2001), Baz Luhrmann
D’une esthétique tape-à-l’œil caractéristique de Baz Luhrmann (et qui est ce qui se rapproche le plus du style de Ryan Murphy, le réalisateur de The Prom), Moulin Rouge ! est une histoire d’amour tragique entre un écrivain (Ewan McGregor) et la star d’un cabaret (Nicole Kidman). L’histoire se déroule au sein d’une troupe d’artistes dirigées par Henri de Toulouse-Lautrec (à la sauce américaine !), les décors sont tous plus kitschs les uns que les autres et les morceaux de pop s’enchaînent sans distinction, de la reprise de Nature Boy par David Bowie à Lady Marmalade. Un show, un vrai !
La La Land (2016), Damien Chazelle
De Jacques Demy à Stanley Donen, toutes les références y passent. La La Land est un bel exercice de style, alternant des chorégraphies compliquées avec de la musique d’orchestre et des chansons plus intimes, avec voix et piano seulement. Emma Stone et Ryan Gosling font des claquettes et essayent de s’aimer dans ce monde impitoyable (LA comme Los Angeles), tout en vivant de leur passion. Lui est un jazzman frustré et elle, une actrice ratée. Comment réussir tout en restant soi-même et en étant là pour les gens qu’on aime ? Derrière d’innocentes ritournelles, une histoire d’amour contemporaine et réaliste.
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