Le célèbre documentariste américain Frederick Wiseman part à la découverte de la Comédie-Française, une institution comme il les aime tant. Que voit-on ? Une somme de clichés : les sociétaires ressemblent à leur image d’Epinal, les techniciens parlent peu et font grève, les décorateurs décorent, l’administrateur pérore, le comédien angoisse avant l’entrée en scène. Même […]
Le célèbre documentariste américain Frederick Wiseman part à la découverte de la Comédie-Française, une institution comme il les aime tant. Que voit-on ? Une somme de clichés : les sociétaires ressemblent à leur image d’Epinal, les techniciens parlent peu et font grève, les décorateurs décorent, l’administrateur pérore, le comédien angoisse avant l’entrée en scène. Même la scène courtelinesque où une ancienne pensionnaire fête ses 100 ans rappelle un vieux sketch de Robert Hirsch.
Wiseman souhaite sans doute qu’on prenne ce portrait du « Français » pour un portrait de la France (le film se termine par La Marseillaise, seule musique du film). Peut-être ou peut-être pas : le saut de l’un à l’autre semble un peu facile et rapide dans l’ironie. Si la Comédie-Française vit sur des rituels figés, elle met aussi en jeu des individus, et nous ne voyons ici que des masques. Le monde de l’artifice garde tous ses secrets. Mais y en a-t-il seulement ? Des rancœurs sommeillent dont on ne saura rien… Un malaise s’instaure : ce n’est pas la méthode employée qui est mauvaise, c’est le sujet qui ne s’y prête pas. Dissocier le théâtral du théâtre est impossible, chercher l’ordinaire du spectacle revient à désigner ce qu’il cherche à cacher : sa vacuité. Et pour nous, à tort et à raison, un comédien n’est pas tout à fait quelqu’un de quotidien. Les « principes » habituels de Wiseman (aucun commentaire, aucune interview), qui mettent tous les personnages sur un plan d’égalité, se retournent contre eux-mêmes : on ne reconnaît que les acteurs et les metteurs en scène, puisque ce sont les seuls que nous connaissons.
De ces plus de trois heures qui passent c’est vrai très vite et débordent d’émotions, on ne retirera pas non plus ces images insolites à la Depardon (les spectatrices qui choisissent leurs places avec circonspection, deux machinistes qui portent des chevaux de marbre gigantesques), ni ces plans de coupe-respiration de Paris avec ses voitures, mais ces moments où les figures redeviennent humaines : réunion d’administration, départ en retraite, répétition où Sganarelle (Bertin) s’énerve (« Mais que voulait dire Molière ? »), où sœur Catherine (Samie) s’élève contre le sort précaire des personnes âgées et apprend à un jeune homme que pour bien dire les vers il faut parler « avec jouissance ». Des scènes où le spectacle ne recèle pas de l’ordinaire, mais où enfin l’ordinaire est spectaculaire.
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