Il y a quelques années, lorsqu’en dépit de ses quelque vingt millions d’entrées France, Bienvenue chez les Ch’tis échouait à remporter des nominations aux César dans les catégories reines, Dany Boon suggérait que l’académie crée un César de la meilleure comédie. Ce à quoi ladite académie rétorqua que le genre s’en trouverait plus ghettoïsé encore. […]
Il y a quelques années, lorsqu’en dépit de ses quelque vingt millions d’entrées France, Bienvenue chez les Ch’tis échouait à remporter des nominations aux César dans les catégories reines, Dany Boon suggérait que l’académie crée un César de la meilleure comédie. Ce à quoi ladite académie rétorqua que le genre s’en trouverait plus ghettoïsé encore. Guillaume Gallienne peut remercier le ciel que la motion Boon ait été rejetée. Cela a permis vendredi dernier à Les Garçons et Guillaume, à table ! d’obtenir cinq statuettes (meilleur film, premier film, acteur, adaptation et montage).De quoi faire un sort au soupçon de racisme anticomique de l’institution, d’autant que l’autre vainqueur de la soirée est 9 mois ferme d’Albert Dupontel (meilleure actrice pour Sandrine Kiberlain et meilleur scénario original).
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La supposée dérive élitaire des César des années 2000 (lorsque L’Esquive raflait des César au nez et à la barbe des Choristes) semble révolue. Cette année, la profession a principalement récompensé le succès avec un ticket à 2 millions d’entrées pour les deux principaux winners. Enfin, c’est aussi une nouvelle figure que dessinent Les Garçons… et 9 mois ferme : celle de l’auteur omniprésent à tous les stades de la chaîne (scénario, réalisation) jusqu’à occuper le devant de l’écran.
Un auteur-acteur complet donc, histrionique et au four et au moulin. La marque de l’auteur se confond avec l’identification de l’acteur. Avec pour grande sacrifiée l’étape de la mise en scène, réduite à un emballage clippé comme un programme court télévisuel délayé sur deux heures. Cette année aux César, le cinéma d’artiste/metteur en scène faisait figure de parent pauvre et ne fut paradoxalement primé que pour ses acteurs : César du meilleur espoir féminin pour Adèle Exarchopoulos dans La Vie d’Adèle (Abdellatif Kechiche) et César du meilleur espoir masculin pour Pierre Deladonchamps pour L’Inconnu du lac (Alain Guiraudie).
Aux oscars, en revanche, c’est une certaine idée du grand art (donc du grand sujet) qui a triomphé avec 12 Years a Slave. Avec ses 50 millions de dollars de recettes au box-office nord-américain, le film de Steve McQueen ne pèse pas lourd face à Gravity (269 millions de dollars), mais les deux films se sont à peu près équitablement partagé les principaux trophées (dont meilleur film pour 12 Years a Slave et meilleur réalisateur pour Alfonso Cuarón). Rien de particulièrement saillant dans ce double plébiscite visant à ménager la chèvre du arty avec le chou du grand spectacle. Tout au plus peut-on s’agacer qu’une fois encore le pauvre Leo DiCaprio ait vu la statuette lui passer sous le nez.
De toute façon, un événement a surgi ce week-end qui a un peu relégué ce marathon de trophées au second plan : la disparition d’un des plus grands cinéastes au monde. Nous lui rendons hommage dans les pages qui suivent, lui qui sut si brillamment conjuguer le spectacle et l’innovation, triompha aux César avec des films tantôt très audacieux (Providence, Smoking/No Smoking), tantôt très audacieux mais très populaire (On connaît la chanson). Etrangement, la disparition d’Alain Resnais se produit d’ailleurs quelques jours après celle d’un autre cinéaste, au prestige moins établi, auteur pourtant d’au moins deux ou trois films passionnants : Harold Ramis. En 1993, Un jour sans fin et Smoking/No Smoking sortaient à quelques mois de distance et nouaient un fécond dialogue. Deux films-dispositifs assez complexes, enchevêtrant à loisir l’actuel et le virtuel. Deux films de couple proliférant, passant en revue tous les possibles d’une relation amoureuse. Deux comédies enfin, mais qui ne renonçaient pas pour autant à la profondeur, la recherche formelle et l’expérimentation.
Au sommaire des Inrocks cette semaine : un entretien exclusif avec Pharrell Williams, retour sur Alain Resnais, Bill Viola au Grand Palais, William Boyd fait revivre James Bond, les vacheries d’Orson Welles… Le magazine est disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne.
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