La Ch’tite Famille est-il, comme on a pu le croire pendant un temps à cause d’un titre et d’un casting étrangement familiers, la suite de Bienvenue chez les Ch’tis, le plus gros succès français ever, sorti dix ans quasi jour pour jour avant celui-ci ?
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Non. Dany Boon a lui-même balayé cette rumeur, il y a un an, expliquant que c’était une histoire complètement différente, qu’il n’aimait pas les suites, et rappelant à juste titre que “Gérard Oury”, désormais son seul rival au box-office devant l’Eternel, “(n’en) avait jamais fait”.
Pourtant, par un hasard du calendrier, La Ch’tite Famille ressemble bel et bien à une suite. Simplement pas à Bienvenue…, et en fait même pas à celle d’un film de Dany Boon. Car c’est une suite à Marvin ou la belle éducation d’Anne Fontaine, sorti cet automne et inspiré du hit littéraire En finir avec Eddy Bellegueule.
Regardez bien : d’un côté, la jeunesse provinciale d’un enfant du prolétariat hardcore, dont les rêves de bourgeoisie culturelle seront un jour exaucés par la faveur miraculeuse du destin, le poussant à renier ses origines modestes ; de l’autre, une famille ch’ti vieillissante, en goguette à Paris, déboulant comme un chien dans un jeu de Mölkky parmi les galeries, les bureaux et les lofts de style froidement scandinave où un fils jadis répudié, devenu designer à succès, a élu domicile.
La vraie vie provinciale contre le snobisme parisien
Dany Boon, qui amène évidemment son film sur les terres du rabibochage familial, se met en scène comme un Eddy Bellegueule atteint de remords. C’est un peu “En finir avec Edouard Louis” : une réconciliation tardive avec les origines honteuses, tournant le dos aux faux-semblants de la gloire adulte. Le thème n’est pas nouveau, surtout sur le mode repassé de la vraie vie provinciale contre le snobisme parisien.
Mais le fil qu’il donne à retordre à Dany Boon prend des formes et des entortillements quasi comiques, car Boon a en effet honte de son milieu, mais il ne sait même plus lequel. Tandis qu’il rebondit de l’une à l’autre, sa France d’en bas et son élite intello-fortunée ne ressemblent plus à rien, sinon à un imaginaire pis que pauvre, en fait mort-vivant, fantomatique, puisant dans le boulevard comme seule source possible d’inspiration pour un auteur qui ne fréquente plus aucun des deux mondes qu’il prétend parodier.
Dépourvu de toute utilité comique
Boon donne l’impression de ne pas plus connaître le goût du maroilles que celui de la spiruline : il gravite hors monde, est dépourvu de toute utilité comique à se contenter ainsi de rabâcher ses farces mortifères, et n’a semble-t-il plus depuis des années fait la seule chose qu’on attende impérieusement d’un satiriste : observer.
Le “César du public” qu’il recevra dans quelques jours, neuf ans après l’avoir vulgairement réclamé, lui est remis en dehors du protocole des autres catégories : il n’est soumis à un aucun vote, sinon celui du box-office. Il a le goût amer d’un fait du roi, ou plus dérisoire encore : un bonbon qu’on concède à un enfant capricieux.
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